Billet invité
Quelle surprise ! Après avoir fait son siège, les banques ont obtenu ce week-end du Comité de Bâle d’importants assouplissements à propos du ratio d’effet de levier qui devra être respecté en 2018. Celui-ci mesure le rapport entre leurs fonds propres et leurs actifs, sans pondération de leur valeur. Cela fait suite à un autre important accommodement, il y a un an, qui concernait un autre ratio, celui de liquidité à court terme (LCR). Ce matin, les valeurs bancaires étaient à la hausse…
Le ratio mesurant l’effet de levier évacue toutes les interrogations liées à la valorisation des actifs et fait obstacle à la pratique instituée d’enjoliver les comptes dans cet univers très opaque quand il s’agit des dérivés. Les banques craignaient que son application génère d’importantes obligations de renforcement de leurs fonds propres, faisaient valoir que, les incitant à diminuer la taille de leur bilan, cette contrainte serait contradictoire avec la demande qui leur est faite de développer le crédit. Ou que cela aurait comme effet de les conduire à prendre plus de risque, puisque celui-ci n’est pas pris en compte dans le calcul de l’effet de levier. Leurs mauvais arguments ont été reçus, elles ont été entendues !
Pour l’affichage, le ratio minimum est pour l’instant resté de 3 % comme initialement envisagé. Mais, plus subtilement, son mode de calcul a été modifié. Parmi un ensemble de mesures techniques, celles qui concernent les produits dérivés retiennent particulièrement l’attention. Notamment la réintégration au bilan désormais partielle, pour les besoins du calcul du ratio, des produits dérivés placés hors-bilan. Ainsi que le plafonnement de leur valeur notionnelle au niveau de leurs pertes potentielles maximales.
Publiée à la mi-décembre, une étude coordonnée par Christophe Nijdam d’Alphavalue donne toute la mesure de l’ampleur du problème posé par les produits dérivés, le domaine où précisément la réglementation est assouplie. Intitulée « Quelles banques sont des Fukushima en puissance ? », elle dévoile l’immense exposition à ces produits des grandes banques européennes, avec en tête de liste Deutsche Bank, BNP Paribas et Barclays, notamment quand elles sont comparées aux PIB de l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, le rapport étant respectivement de 22, 24 et 26 !
Selon les chiffres de la Banque des règlements internationaux (BRI), la valeur notionnelle des produits dérivés – qui n’exprime pas les pertes potentielles – aurait atteint 693.000 milliards de dollars au premier trimestre 2013, soit dix fois le PIB mondial, et serait en rapide augmentation. Sur les 5.300 milliards de dollars échangés quotidiennement sur le marché des changes, seuls 7 à 8 % correspondraient, toujours selon la BRI, à des opérations de couverture du risque effectives. Le reste serait purement spéculatif !
Mais la bataille de l’effet de levier n’est pas finie outre-Atlantique, car les régulateurs nationaux ont tout loisir d’augmenter le ratio, ce que Thomas Hoenig, le vice-président du FDIC américain, entend bien faire. Il suggère d’adopter un ratio de 10 % ! Les banques européennes, notoirement sous-capitalisées par rapport à leurs consœurs américaines, vont par contre souffler, l’épreuve de l’examen de la valorisation de leurs actifs par la BCE devant encore être passée. Mais ont-elles tant de souci à se faire à ce propos, car il n’est pas crédible que celle-ci puisse analyser dans le calendrier imparti les opérations sur les produits dérivés inscrites aux bilans des banques.