Billet invité.
L’ersatz d’union bancaire à laquelle les dirigeants européens ont finalement abouti met un point final aux tentatives avortées successives de mutualisation de la dette au sein de la zone euro. Toutes les autres issues – l’inflation, la restructuration de la dette ou un défaut – ayant été bouchées, il ne reste plus comme seule issue que de stabiliser puis réduire celle-ci par des restrictions budgétaires de longue haleine, pays par pays. Si l’on prend le cas, non pas de la Grèce pour laquelle cette perspective est hautement fantaisiste, mais de l’Italie, on est autorisé à tout autant s’interroger sur l’aboutissement de cette politique : elle implique que le pays rembourse l’équivalent de 70% de son PIB en vingt ans, nécessitant de dégager des excédents budgétaires hors de portée. L’addition est repoussée à plus tard, sauf si un nouveau dérapage intervient entre-temps.
Il pourrait résulter de l’arrêt que va rendre cette année la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe à propos du programme OMT de la BCE, à l’origine de l’apaisement intervenu sur le marché obligataire. La crédibilité de ce programme, qui n’a pas eu besoin d’être activé pour produire ses effets, pourrait être en effet mise en cause, bien que la BCE ne soit pas sous la juridiction de la Cour, par des restrictions imposées au gouvernement allemand et à la Bundesbank.
La pusillanimité des dirigeants européens ne s’arrête pas là : le système bancaire continue de faire l’objet de toutes leurs attentions, comme s’il s’agissait d’un donjon qu’il fallait à tout prix préserver. La Commission a avancé sur son projet de séparation des activités bancaires, après avoir commandité une étude dont elle ne suit pas les recommandations, les banques ayant été vent debout contre, soutenues par les gouvernements allemand et français. Seules trente grandes banques seront soumises à la réforme, et non pas la totalité comme il était préconisé. Elles vont pouvoir continuer à intervenir sur le marché des produits dérivés, au prétexte de fournir à leurs clients – les entreprises, fonds de pension compagnies d’assurance, etc… – les instruments de couverture dont ils ont besoin, d’après un projet consulté par le Financial Times. Certaines activités pourront cependant être interdites par le superviseur des banques (la BCE quand la réforme sera entrée en application en 2018, une fois votée vers la fin 2015) si elles sont considérées comme porteuses d’un « risque systémique » et devront être alors effectuées dans le cadre d’une entité séparée. Cette réforme a tout de la maison courant d’air.
Ce sont toujours les mêmes banques européennes qui sont sur la sellette, mais c’est cette fois au tour du gouvernement allemand de faire face à une situation inconfortable. Non pas à propos de ses banques régionales et ses caisses d’épargne, qu’il protège soigneusement de toute inquisition, mais de la Deutsche Bank, sa mégabanque privée. Bafin, le superviseur allemand des banques, a commandé un rapport à Ernst & Young qui met en évidence qu’elle a dissimulé son implication réelle dans le scandale du Libor et de l’Euribor. Il montre également qu’elle n’en a pas tiré la leçon en renforçant ses contrôles internes et, à défaut de preuves, fait état de fortes suspicions de pressions de sa direction sur ceux qui en étaient chargés. La parole est à Berlin !