L’année qui s’engage en Europe : LE MAUVAIS GÉNIE N’EST PAS PRÈS DE RENTRER DANS LA BOUTEILLE, par François Leclerc

Billet invité.

La BCE est parvenue à calmer le marché de la dette souveraine – dont les taux longs restent inabordables pour les pays les plus fragilisés – mais le résultat est moins acquis qu’il n’y paraît. Elle reste par contre impuissante devant la fragmentation du marché du crédit, qui impose dans ces mêmes pays des taux plus élevés aux entreprises. Tout juste, ralentie, la logique de l’éclatement de la zone euro continue de s’exercer, comme Angela Merkel l’a d’ailleurs fait remarquer.

Une forte attente se manifeste à propos de l’examen des bilans bancaires de la BCE, avec l’espoir que le paysage en sortira éclairci. Les estimations des besoins de renforcement des fonds propres du système bancaire varient considérablement, mais sont rarement en dessous de la barre des cent milliards d’euros. Le curseur va devoir être ajusté adroitement pour à la fois assurer à ce test un minimum de crédibilité sans cependant placer pas trop haut la barre, afin que les banques parviennent à la franchir à un coût raisonnable. Sous couvert de pure technique financière, l’exercice va être très politique, mené sans le filet d’une véritable union bancaire.

Même si des délais sont donnés aux banques pour se renforcer, les besoins en capitaux vont être élevés au cours de l’année qui vient en raison de la hausse qui se poursuit des programmes d’émission, notamment de l’Espagne et de l’Italie avec respectivement de 210 et 470 milliards d’euros de prévus. Cette forte demande va se présenter sur le marché dans un contexte de hausse attendue des taux, occasionnée par la décélération du programme d’assouplissement quantitatif de la Fed, dont un avant-goût a déjà été observé. La BCE n’étant pas politiquement en mesure de prendre son relais en pratiquant à son tour une telle politique d’achat de titres, la pression sur les taux risque d’être très forte, enchérissant le service de la dette et le coût du crédit pour les entreprises, contrariant à la fois le désendettement des États et la relance de l’économie.

Au vu de ce qu’ils ont montré être capable, un quelconque sursaut des dirigeants européens leur donnant prise sur les événements n’est pas crédible. Faisant de nécessité vertu, faute de moyens dans un cadre européen contraignant qu’il n’a pas fait évoluer, François Hollande persévère dans sa politique de « choc de l’offre » en faveur des entreprises s’appuyant sur des transferts financiers au détriment des ménages et des économies budgétaires. Ses ambitions se résument désormais à l’affichage symbolique d’une inversion de la courbe du chômage, qui serait « amorcée » ou « à portée de main » sans toutefois se concrétiser. Et, lorsqu’il évoque la réforme fiscale, son propos est de diminuer les prélèvements obligatoires sans mention de la correction de leur déséquilibre notoire, que l’augmentation de la TVA va accentuer.