Billet invité.
Comment est-ce possible ? les banques utiliseraient des subterfuges leur évitant de renforcer leurs fonds propres afin de respecter la réglementation qui le prévoit ! Ce sont la Fed et le Comité de Bâle qui ont dévoilé le pot aux roses aux États-Unis, en les mettant en garde à ce propos, et en faisant état de pratiques qu’ils considèrent litigieuses et susceptibles d’être sanctionnées. Soit en achetant des CDS (Credit Default Swaps) les protégeant d’éventuelles pertes sur des actifs considérés comme risqués, mais en étalant dans le temps leur achat onéreux, ou bien en bénéficiant d’un payement différé. Soit en utilisant comme contrepartie une filiale, un special purpose vehicle (« véhicule de titrisation »), ou une entité trop faiblement capitalisée pour supporter le risque.
Pour les mêmes raisons, ainsi que dans l’attente de l’examen de la BCE, les banques européennes vont se séparer de certains de leurs actifs – par exemple des crédits hypothécaires quand elles sont britanniques, irlandaises ou espagnoles – et cela ne va pas faire que des malheureux. Pour profiter des fructueuses affaires qui s’annoncent, les hedge funds américains se préparent à investir en Europe. Diminuer le risque ou tout simplement réduire la taille du bilan est une solution préférable à devoir augmenter les fonds propres, les banques ayant jusqu’à maintenant profité du fait que leurs titres arrivaient à maturité plutôt que de les vendre à bas prix. Le temps des soldes est arrivé.
L’application de la réglementation Volcker, qui prévoit aux États-Unis une séparation des opérations spéculatives pour compte propre des banques, ne va pas non plus être exempte de finesses. Leurs PDG vont en effet devoir certifier que leur établissement a « raisonnablement conçu » (reasonably designed) le dispositif permettant de la respecter, ce qui ouvre le champ à interprétation, pouvant soit les avantager soit leur nuire, selon ce que le régulateur en fin de compte décidera. Aucune sanction à l’encontre du PDG n’est prévue dans ce dernier cas.
Les efforts de pas moins de cinq régulateurs ont été nécessaires afin d’aboutir à ce résultat qui laisse aux banques la latitude de décider des mesures qu’elles vont prendre dans la pratique : ce dispositif a été préféré, au vu de la complexité que représente toute séparation du bon grain de l’ivraie dans ce domaine, en ne l’assortissant d’aucune peine au cas où les régulateurs seraient amenés à intervenir. Les luttes de préséance qui ont débuté entre régulateurs, à peine sèche l’encre de la loi, vont donner des marges de manœuvre aux banques, maîtres en cet exercice depuis longtemps. En attendant, elles étudient dans le détail les 71 pages de la loi et les 900 pages de son préambule pour y rechercher les failles dans lesquelles elles pourront se glisser.
Les commentaires qui ont suivi l’approbation de la loi du 10 décembre dernier ont fait état du rôle important qu’elle accordait aux régulateurs, dans un contexte fait d’enquêtes, de poursuites et d’amendes négociées qui peut laisser à penser que ceux-ci vont désormais le mettre à profit. C’est faire peu de cas d’un rapport de force par définition changeant. Ce qui est présenté comme une force aujourd’hui pourra demain se révéler être une faiblesse : telle est la limite vite trouvée d’une régulation qui ne va pas au simple et à l’essentiel en procédant par interdiction de produits financiers purement spéculatifs n’ayant comme objet qu’une création de la valeur virtuelle et fragile aboutissant à ce que nous subissons.