Billet invité.
Une partie importante est en train de se joue entre la BCE et le gouvernement allemand qui impose sa conception restrictive de l’union bancaire, la rendant largement inopérante. L’énervement manifeste de l’Institut de Francfort est perceptible dans les multiples déclarations de Jorg Asmussen à propos d’une union bancaire qui prend de plus en plus l’aspect d’une usine à gaz, éloignée de ses objectifs initiaux, les ministres s’étant donné un nouveau rendez-vous le 18 décembre prochain sans parvenir à s’entendre sur les sujets essentiels.
La déclaration au Financial Times de Peter Praet, son économiste en chef, selon qui les stress tests menés par l’Autorité bancaire européenne (EBA) pourraient intégrer une dépréciation des titres souverains détenus par les banques lors de l’examen de leur bilan, a été hier un chiffon rouge agité afin d’inciter les gouvernements européens à ce qu’ils se mettent enfin d’accord sur une union bancaire opérationnelle a minima. S’agissant de l’examen mené par la BCE, Mario Draghi a certes ensuite atténué devant le Parlement européen la portée de cette menace en renvoyant la responsabilité d’une telle décision au Comité de Bâle – que l’on voit mal la prendre – mais l’effet demeure, comme le marché l’a signifié. Car cette disposition, sérieusement appliquée, créerait d’importants besoins de financement supplémentaires afin de recapitaliser le système bancaire européen, sans savoir où les trouver.
En de multiples occasions, la BCE a déjà déploré que les banques n’utilisent pas les 1.000 milliards de prêts du LTRO pour leurs opérations de crédit aux entreprises, annonçant qu’une réflexion était en cours à ce sujet, mais sans la conclure. Peter Praet va plus loin en regrettant qu’elles consacrent ces prêts à acheter des obligations souveraines, prenant acte que l’union bancaire ne va pas régler la situation inextricable qui en résulte (tout en ayant calmé le jeu sur le marché obligataire, qui en avait bien besoin). A défaut de procéder à cette opération vérité, menacer les banques de déprécier ces titres pourrait, selon lui, les inciter à utiliser de nouveaux prêts à bon escient, et à favoriser le crédit aux entreprises.
Après avoir envisagé différentes formules de titrisation des emprunts des PME ou de prêts aux banques sous conditions, c’est ce levier incitatif qui semble être désormais privilégié. Après s’être substitué au marché interbancaire, la BCE cherche à ce que ses financements aboutissent à l’économie réelle afin d’éviter une récession qui ajouterait à des obstacles déjà élevés, une nouvelle corde à son arc déjà bien tendu. Qu’elle y parvienne reste entièrement à démontrer.
Mais, faute d’une clarification qui ne s’annonce pas, le flou qui règne aussi bien sur les mécanismes de prise de décision de l’union bancaire que sur les modalités de renflouement des banques – comme la modicité des 55 milliards d’euros des fonds que les banques doivent apporter en dix ans au regard de la taille du système bancaire européen – ne laisseront à la BCE d’autres issue, s’il n’est pas suffisamment résorbé, que de procéder à un simulacre accru lors de son examen des bilans bancaires.
Avec l’avènement d’un ersatz d’union bancaire, le désendettement des banques se confirme être tout aussi problématique que celui des États. La seule option qui subsiste est d’étaler le processus dans le temps, en s’accommodant tant bien que mal des dégâts économiques et sociaux collatéraux. Personne n’ira le clamer sur les toits !