Billet invité
Un compromis de la dernière heure est attendu à propos de l’union bancaire, mais la conception défendue par le gouvernement allemand est en passe de l’emporter, aux formes près et sous couvert de périodes de transitions. Avec elle s’évanouit la perspective de dénouer le lien entre la dette des banques et des États, pourtant identifié comme étant le principal danger, et se confirme celui de la fragmentation du marché financier européen et de la poursuite de la désagrégation de la zone euro. L’union bancaire qui se prépare n’a d’union que le nom et sa mise en œuvre ne va rien régler.
Le ministre français des finances, Pierre Moscovici, est bien parti dans la course au Nobel de la communication – à créer de toute urgence – à écouter sa présentation des pourparlers qui se poursuivent aujourd’hui, à la suite de la réunion impromptue de Berlin de vendredi dernier : « il va y avoir à la fois un fonds de résolution unique et un rôle préservé pour les instances nationales. Ce n’est pas une contradiction. Nous recherchons une articulation entre les deux ». La présentation avantageuse de l’union bancaire en gestation de Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, se limite désormais à assurer « la stabilité financière de nos banques et de faire en sorte que le contribuable n’ait pas à payer toujours plus chaque fois que les banques ont un problème ». Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, répète à qui mieux mieux le qualificatif « unique », comme pour convaincre de son caractère, évoquant « un régime unique, un fonds unique et une autorité unique ».
Lorsque l’on se penche sur l’ouvrage, cette présentation se réduit largement à un habillage. D’après les informations éparses dont font état Thomson Reuters et l’AFP, le Wall Street Journal et le Financial Times, les régulateurs nationaux conserveraient leurs prérogatives, notamment lorsqu’une décision de renflouement devrait être prise. Une formule pourrait reposer sur l’adoption d’un mécanisme leur donnant le dernier mot derrière la Commission, si un désaccord intervient en son sein ; à moins que la Commission ne se contente d’entériner les décisions prises à l’échelon national.
Afin d’éviter toute mutualisation via le Mécanisme européen de stabilité (MES) des recapitalisations qui s’avéreraient nécessaires, il serait prévu que tout financement public par ses soins sera provisoire et devra être en dernière instance pris en charge par l’industrie financière, le MES ne représentant qu’un filet de sécurité en attendant que le fonds de résolution soit suffisamment approvisionné. Selon une autre proposition, ce dernier pourrait être « compartimenté » pays par pays… Pour mémoire, il est aujourd’hui estimé que dix ans seront nécessaires pour que le fonds dispose de 55 milliards d’euros, les modalités de financement par les banques faisant encore désaccord. Ce modeste objectif est à comparer avec les 25.000 milliards de dollars d’actifs des 124 banques dont le bilan devrait au final être examiné. Enfin, l’extension du champ de cet examen, demandé par le gouvernement français, semble désormais abandonné.
L’ensemble se complexifie au fur et à mesure que la négociation progresse. Mais à tous égards, son résultat est un signal fort envoyé à la BCE afin qu’elle ne charge pas la barque, moins en raison de la charge qui en résulterait pour les banques qu’à cause de l’incapacité de nombreux États – notamment grec, espagnol, italien et portugais – d’y faire face dans l’immédiat. Un rapport de Standard and Poor’s prend aujourd’hui les devants en prévoyant que la revue des actifs de la BCE n’aura que peu d’impact sur la notation des banques qui y seront soumises. Le mythe de l’indépendance de la BCE en sort très écorné : elle est priée de se montrer raisonnable et de se contenter de quelques victimes expiatoires en lui laissant le choix des moyens, qui ne manquent pas.
La crise européenne va se poursuivre sur le même mode, fait de stigmatisation de la dette publique et de complaisance vis-à-vis du système financier, bloquant son assainissement et toute résolution.