Billet invité
La Grèce va-t-elle, comme c’est probable, prendre son tour de la présidence de l’Union européenne pour six mois sans avoir réussi son dernier examen de passage avec la Troïka, suspendue au versement d’une tranche de son aide financière sans laquelle elle ne passera pas l’année ? Cela fera bizarre dans le tableau ! Déjà interrompues à deux reprises, de laborieuses discussions sont en cours depuis septembre, sans aboutir. Après avoir annoncé qu’ils reportaient à janvier la poursuite de la mission, les chefs de mission de la Troïka ont finalement décidé de revenir seuls à Athènes la semaine prochaine, pour tenter encore d’avancer avant le prochain sommet européen.
Selon les créanciers qu’ils représentent, les conditions ne sont pas remplies pour le déblocage d’une tranche de prêts d’un milliards d’euros. Le montant du trou budgétaire 2014 fait désaccord, ainsi que la poursuite du plan de restructuration (de licenciement) de la fonction publique, la liquidation de l’industrie de défense, le sort du moratoire sur les saisies immobilières et un changement des règles de licenciement collectif. Un budget 2014 prévoyant une croissance de 0,6 % (après six années de récession et une contraction estimée à 4 % en 2013) a été voté sans l’aval de la Troïka – ce qui est apparu comme une provocation dans le contexte – le gouvernement ayant pris le soin de repousser toute mesure sur les sujets les plus explosifs au sein de sa majorité étriquée tels le sort du moratoire immobilier et une nouvelle taxe immobilière. Mais de nouvelles coupes de 3,1 milliards d’euros sont prévues dans les dépenses de santé, d’éducation et d’assurance sociale, tandis que 2,1 milliards d’euros de recettes supplémentaires des impôts sont attendues.
Un excédent primaire de 812 millions d’euros est annoncé pour cette année, prévu pour passer à 3 milliards d’euros en 2014, permettant de commencer à réduire un endettement dépassant le ratio de 174 % du PIB. Affichant un grand optimisme, le gouvernement grec annonce se préparer à retourner sur le marché au second semestre 2014 pour se financer à moyen terme. Voilà pour la version optimiste, ces prévisions du gouvernement ayant été contredites par l’OCDE, selon qui la récession se poursuivra en 2014, nécessitant une nouvelle aide financière (assortie de nouvelles contraintes sous forme de recommandations à ce stade). Afin d’éviter un nouveau plan de sauvetage, il commence à être évoqué à Athènes la nécessité de négocier une ligne de crédit de précaution, comme l’Irlande a tenté sans succès de l’obtenir pour finalement y renoncer, qui pourrait être demandée simultanément avec le Portugal.
Sans y parvenir, le gouvernement grec essaye d’échapper à une tutelle animée par un leitmotiv exprimé la semaine dernière par José Manuel Barroso, le président de la Commission : « il faut faire plus sur le plan budgétaire, en ce qui concerne les réformes de la fiscalité et de l’administration publique et les privatisations ». La soutenabilité de la dette est un sujet tabou et à ce titre escamoté : à l’origine privées, les créances sont devenues aux environs de 80 % publiques. Le chômage dépasse 27 % en Grèce, le pouvoir d’achat a diminué de 40 % et le PIB a reculé de 25 %… C’est le prix de l’amorce de désendettement qui est annoncé, quel sera le coût de la suite ?