Billet invité.
Arrêtons de voir le mal partout ! La stratégie actuellement poursuivie est la bonne parce qu’il y en a pas d’autre. L’année qui vient s’annonce sous les meilleurs auspices (l’accalmie suivant l’orage). Le pire aura été évité, nous ne pouvons donc que remonter, il suffit d’être patient et de prendre des décisions courageuses (afin de ne pas dire impopulaires).
L’heure est donc enfin venue de relever la tête en affirmant tout haut ce que les mieux faites d’entre elles n’osaient même plus dire tout bas. C’est ce qui ressortait hier lundi de la lecture du Figaro, dans un moment de désœuvrement, et plus particulièrement de la chronique de Nicolas Baverez titrée « L’illusion de l’inversion de la courbe du chômage », à se demander s’il s’en félicitait. Allonger la durée du travail, rendre dégressives les allocations chômage et moduler le Smic, sortir des 35 heures et baisser les charges sur les salaires et le travail étaient parmi les mesures phares qu’il préconisait. A deux colonnes d’une tribune libre de Gaspard Koenig, écrivain connu pour avoir écrit les discours de Christine Lagarde du temps où elle était ministre des finances en France, et fondateur du think tank libéral Génération Libre depuis Londres où il travaille en rêvant à la France du même nom. Fustigeant avec vigueur « les délires » distributifs de l’impôt progressif sur le revenu pour revendiquer une « flat tax » qualifiée de « révolutionnaire », cet impôt au montant identique pour tous et en conséquence éminemment égalitaire.
En avant vers la mise en œuvre des réformes structurelles ! Avec comme objectif de diminuer le rôle d’un État dispendieux et générateur d’impôts impérativement à réduire, et de retrouver grâce à la diminution du coût du travail et de ses facteurs de rigidité une compétitivité permettant que la France retrouve son rang et l’économie sa vigueur ! Le cri de ralliement du mouvement des bonnets blancs est tout trouvé : « sus à l’impôt, cause de tous nos maux ! », et quant au niveau actuel du chômage structurel, la valorisation du travail y pourvoira.
Comme frappé par une telle hauteur de vue, on s’arrêtera là, au bord du précipice qu’ils s’apprêtent à franchir. Non sans remarquer, inscrit en filigrane dans les réponses aux enquêtes d’opinion qui prolifèrent afin de mesurer jusqu’où la corde des réformes peut être tendue, l’intériorisation de la propagande ambiante, expression d’une résignation à propos du lest qu’il va falloir lâcher, quand la révolte et le rejet ne prend pas le dessus (les deux coexistant sans savoir laquelle prendra l’avantage). En constatant également que la rébellion n’est pas toujours chimiquement pure et idéologiquement calibrée, ce qui ne justifie pas de la rejeter à son tour : elle emprunte les chemins détournés qu’elle trouve, ceux qui ne parviennent pas à l’orienter pouvant avantageusement se demander s’ils n’en partagent pas la responsabilité.
Figures imposées, le moment des rétrospectives s’approche, ainsi que des prospectives à propos de l’année qui vient. Il y a certes des ombres au tableau, avec en premier lieu la Grèce désormais reléguée au rang de pays émergents, le Portugal prenant le même chemin, mais la routine s’est à leur propos installée, rendant presque confortable de s’en accommoder. La fin des plans de sauvetage ou assimilés irlandais, portugais et espagnol ne va pas donner lieu au concert de satisfaction espéré, vu les acrobaties que suscite la perspective de leur retour sur le marché, mais les apparences seront au moins sauvées. Mais tant que la situation en Espagne et en Italie, respectivement troisième et quatrième économies de la zone euro, pourra être présentée comme stabilisée (ce qu’elle n’est pas) l’essentiel du paraître sera préservé. Les banques ne sont pas aussi flambantes qu’affiché, mais la BCE est là pour cela et va continuer à en faire son affaire, car du côté union bancaire les négociateurs gouvernementaux se replient sur des positions préparées à l’avance, comme disent les militaires battant la retraite.
Tenir, il faut tenir ! Tout cela ne vaut donc pas la peine d’en faire une histoire.