Billet invité
Les banques centrales ont beau battre monnaie sans compter, la machine à fabriquer du crédit (de la dette) ne retrouve pas son rendement d’antan, et c’est un véritable problème ! Outre le fait que le système financier ne renoue pas avec son équilibre, mis à mal par cette surproduction qu’il ne parvient pas à résorber, cette perte d’efficience est préoccupante pour l’avenir. Comment dans ces conditions atténuer la disparité de la distribution de la richesse et la menace d’une contraction structurelle du moteur de la croissance, la consommation ? La seule échappatoire sera de poursuivre la partie, selon les mêmes règles mais avec d’autres partenaires, dans les régions du monde au fort potentiel de croissance ; en délaissant les plus développées, où celle-ci se languit, oubliant la promesse d’une mondialisation heureuse, pour laquelle de toutes autres bases seraient nécessaires.
Dans la partie devenue la moins prometteuse du monde, la tentative de renouer avec la croissance repose sur l’augmentation de la durée et du temps de travail – a contrario d’un mouvement historique s’appuyant sur les progrès technologiques – ainsi que sur la diminution de sa rémunération. Cela accroîtra à nouveau la concentration des revenus et du patrimoine au profit d’une frange restreinte de la population.
Une logique de marché insoutenable est enclenchée, alimentée par la différence de rendement entre la spéculation financière et l’activité économique ; elle tend à saper les bases sur lesquelles les actifs financiers reposent en accroissant la disproportion entre leur volume et la taille de l’économie. Même la dette souveraine n’est plus une garantie au sein du système financier, le principe selon lequel les États ne peuvent faire faillite étant dépassé par les événements.
La crise de surproduction du capitalisme se révèle sous un jour nouveau, celle du capital ! Il en découle l’accroissement de la servitude du travail et le déclassement, à rebours de toute émancipation, porteurs d’un modèle de société reposant sur la contrainte et non pas l’exercice de la liberté, sur de nouvelles formes plus élaborées d’un contrôle social généralisé préservant la confiscation du patrimoine.
La capacité qu’a le système de se reproduire en se réformant fait débat entre ceux qui pensent qu’il est voué à l’effondrement et ceux qui estiment qu’il finira par se rétablir. Mais, quand bien même la question est passée au second plan après avoir été découverte, il est une certitude qui n’est pas réductible : la planète vit écologiquement à crédit. Il est des dettes qui ne se restructurent pas et des fuites en avant qui sont vouées à rencontrer à terme des obstacles que l’on ne contourne pas. L’approche développée par l’ONG Global Footprint Network (GFN) l’illustre, qui calcule le jour de l’année où ce qui est utilisé par l’activité humaine commence à excéder ce que l’écosystème peut régénérer durant celle-ci. Au fil des ans, ce jour avance dans l’année, amenant GFN à affirmer que l’humanité vit au dessus de ses moyens ! N’est-ce pas également le cas des détenteurs du capital qui cherchent encore à se défausser ?
Dans un monde de progrès technologiques, la vocation du travail humain est de devenir rare. La consommation des ressources physiques aboutit à l’épuisement progressif de leurs gisements, aboutissant à la même rareté relative. Dans les deux cas, la question du partage devient primordiale : partage de la richesse effectivement produite, suivant de nouveaux principes de distribution, comme des ressources qui sont nécessaires à cette fin. Faute de s’y résoudre, il n’y aura pas d’autre alternative que d’ériger des barrières derrières lesquelles les nantis chercheront protection et les moins bien pourvus seront réduits. Alors, la fracture sociale n’opposera plus des régions du monde mais les traversera, quel drôle de progrès !
Cette promesse-là n’est-elle pas la plus redoutable ?