Billet invité
Nouvelle réunion en début de semaine des ministres des finances européens : une chose en amenant une autre, des reconsidérations sont en cours de discussion afin d’ajuster les règles du jeu bancaire à une réalité qui ne peut plus être ignorée.
Comment en effet justifier demain, auprès d’une opinion dont Herman Van Rompuy disait le 10 octobre dernier qu’elle allait rendre les prochaines élections européennes « extrêmement difficiles », en raison de la montée des « populismes », que les États vont devoir à la fois recapitaliser les banques et continuer à réduire leur déficit ? La question s’est déjà trouvée posée en Espagne, elle va l’être plus généralement à l’occasion du futur passage en revue de la qualité des actifs dans les bilans bancaires de la zone euro, organisé par la BCE. Car, pour être crédible, l’examen ne pourra pas être réussi par toutes les banques, et ce seront inévitablement celles des pays en grande difficulté qui n’y parviendront pas. Parallèlement, l’Autorité bancaire européenne (EBA) va mener des tests de résistance des banques des 28 États européens.
L’affaire est donc explosive, car le fonds européen destiné à renflouer les banques, même une fois mis sur pied en dépit de désaccords persistants, sera loin d’avoir été abondé par les banques à une hauteur adéquate. Un montage financier plus ou moins bien ficelé va devoir être décidé, qui devrait impliquer le Mécanisme européen de stabilité, ce dernier étant financé par les États (ou bénéficiant de leur garantie) ; à moins que ce ne soit faute d’accord par les fonds nationaux eux-mêmes, qui ne sont pas mieux pourvus, renvoyant la balle aux États nécessairement. Comment décontracter la question ? La réponse est toute trouvée : en soustrayant du calcul du déficit public les montants alloués au renforcement des banques. C’est en tout cas ce que Herman Van Rompuy, le président de l’Union européenne, vient de proposer par courrier aux ministres des finances des États membres. Une bonne manière d’anticiper de nouveaux sauvetages publics.
Les accommodements n’en resteront pas là, selon toute vraisemblance. Une fuite a révélé que l’EBA s’interrogeait sur la capacité des banques à rembourser d’ici 2015 à la BCE les 665 milliards d’euros qui ne l’ont pas encore été. L’autorité envisagerait de distinguer dans le bilan des banques qu’elle va analyser le montant des sommes restant dues, stigmatisant – selon l’expression en vigueur – celles qui sont dans ce cas et les désignant à la vindicte des marchés. L’EBA a toutefois démenti le 8 octobre dernier toute discussion sur le traitement des prêts de la BCE dans le cadre de ses travaux portant sur la méthodologie de ses prochains tests de résistance, ne se permettant pas « de formuler des hypothèses sur de possibles mesures de politique monétaire», prérogative exclusive de la banque centrale. À suivre…
« Le moment est venu de revoir la réglementation concernant l’exposition aux titres souverains » a écrit de son côté Jens Weidmann, le patron de la Bundesbank, dans le Financial Times du 1er octobre dernier. Ceux-ci ont perdu leur statut d’actif sans risques, alors que les banques échappent à la réglementation qui limite à un quart de leur capital éligible aux fonds propres Tier one leur exposition à une contrepartie unique. Or, en Espagne, en Grèce et au Portugal, mais aussi en Italie, la part au bilan des banques des obligations d’État de leur pays n’a cessé de croître et atteint de plus importantes proportions. En Espagne, l’exposition des banques aux dettes souveraines atteint 266,1 milliards d’euros et au Portugal 47,9 milliards en juillet dernier. Les banques italiennes ne sont pas en meilleure posture, Unicredit détenant 48,78 milliards d’euros et Intesa Saopaolo 65,1 milliards. Toutes sont très vulnérables en cas de hausse des taux de la dette de leur pays et devront renforcer leurs fonds propres si les règles de prise en compte de celle-ci sont changées. Il faut désormais en tirer les conséquences. Que va faire la BCE au bout du compte ? Va-t-elle tenir compte ou non de la demande du président de la Bundesbank, ou l’ignorer en faisant comme si de rien n’était ?
Toute cette cuisine ne dénouera pas le lien étroit qui lie la dette des États aux banques et qui fragilise l’ensemble en tirant l’Europe vers le fond.