Billet invité
Inconcevable et aux conséquences imprévisibles, le défaut américain n’aura probablement pas lieu dans l’immédiat et les marchés respirent un peu. Mais au-delà de la guerre à outrance que se mènent les démocrates et les républicains sur le devant de la scène, comment ne pas s’interroger ? La première puissance économique et militaire pourrait ne pas payer ses factures, comme le répète pour se refuser à l’envisager Barack Obama ? Le monde financier serait à ce point fragilisé par cette perspective qu’il s’attendrait au pire, sans même savoir le décrire ? Décidément, la dette vaut mieux que la manière dont on l’expédie – il faut sans discuter la rembourser – et mérite de s’y attarder.
Comme la création monétaire par les banques centrales, que certains proposent pour financer cette dette, l’endettement à outrance est un succédané. En s’endettant, l’État supplée à la faiblesse de ses financements en regard de ses missions, de même que les particuliers pour pallier l’insuffisance de leurs revenus. La création monétaire écartée en raison de l’ogre inflationniste, est restée sur les bras la dette, que l’on ne s’est pas privé d’augmenter et dont on ne sait plus quoi faire. Sa crise est survenue lorsque toutes les acrobaties financières n’ont pu empêcher qu’éclate à la fois une bulle qui avait trop enflé et, bien moins soudainement, une vérité qui se fait progressivement jour : elle est devenue trop grosse… pour être remboursée. Faire fonctionner la planche à billets et s’endetter au-delà de ses capacités de remboursement sont deux fausses solutions à un seul vrai problème. D’autant qu’il faudrait d’abord pouvoir stabiliser la dette en stoppant sa croissance.
La société en est arrivée à un point où elle doit soit se résoudre à la poursuite d’une autre croissance, celle des inégalités sociales – car la machine à fabriquer de la dette ne retrouvera pas son rendement d’avant, rendant plus supportable la distribution inégale de la richesse – soit la combattre en s’en donnant les moyens. Mais lesquels ? Des propositions fleurissent pour engager le processus, comme la restructuration de la dette ou l’imposition du capital, et le FMI même se met à sa façon de la partie en raclant les fonds de tiroir fiscaux.
Tel Janus, l’État a deux faces : d’un côté il est un havre, de l’autre source de mauvaise gestion et de gaspillage. Donnant en raison de cette dernière caractéristique beau jeu à ceux qui veulent en réduire les moyens et le rôle, quand ils n’envisagent pas dans les cas extrêmes de le détruire… En face, sur la défensive, les partisans de l’État ne parviennent pas à le reconfigurer, ou à lui substituer une autre forme d’organisation collective. La démocratie est en question dans tous les cas. Parce qu’elle est menacée dans le premier, parce qu’elle ne s’élargit pas et ne s’approfondit pas dans le second.
L’Union soviétique s’est effondrée sans crier gare, hantant depuis les nuits des dirigeants chinois. Quel sort sera réservé aux États-Unis, la puissance autrefois présentée comme étant parallèle ? La chronique d’une mort annoncée se poursuit et s’étire dans le temps. Mais comment le système financier, dont la solidité repose largement sur la dette américaine qui en est son pilier, anticipation d’une richesse qui ne se concrétisera pas au train où vont les choses, retombera-t-il sur ses pattes s’il y parvient ?
Les regards se tournaient ces derniers jours vers le marché du repo, dont le volume est estimé à 2.000 milliards de dollars, où les banques se financent à court terme en donnant pour garantie des actifs, dont des T-bills (billets du Trésor américain), créant une passerelle entre la crise de la dette américaine et le système financier. Il n’y a sur ce marché ni prêteur en dernier ressort, ni chambre de compensation, et deux banques concentrent à elles seules l’ensemble des transactions, JP Morgan et Bank of New York ! Le court répit que les républicains déclarent vouloir accorder ne modifie en rien le lieu de cette très grande fragilité du système qu’aucune régulation n’a renforcée.