Billet invité
Tandis que les crises politiques nationales se poursuivent avec des fortunes diverses, la lente chute de Berlusconi se poursuivant en dépit de sa dernière volte-face et d’un gouvernement italien paralysé, d’autres questions se posent auxquelles il va falloir apporter une réponse.
1.Quelle suite donner à des plans de sauvetage en fin de vie ?
La Grèce, l’Irlande, et le Portugal s’approchent du moment où il va falloir revenir se financer sur le marché, les trois pays étant incapables d’y parvenir. Chaque cas est traité séparément et la réponse est le plus possible différée, mais l’immobilisme n’est pas une option. Dans le cas de l’Irlande, le gouvernement voudrait obtenir une ligne de crédit, qui a l’avantage d’être disponible et de ne pas être assortie des mêmes contraintes qu’un plan de sauvetage. Dans celui de la Grèce, le premier ministre a clamé sur tous les toits qu’il ne saurait être question de nouvelles mesures d’austérité, tout en ne parvenant pas à réaliser celles qui ont été promises. Au Portugal, enfin, l’équation se complique après les résultats électoraux du parti socialiste, qui implique qu’il soit associé à la suite des opérations, alors que le vice-premier ministre chargé des négociations avec la Troïka espère une nouvelle modification des objectifs de réduction de déficit que rien ne présage pour l’instant, ainsi que l’obtention d’une ligne de crédit sur le modèle irlandais.
Compliquant cette équation à multiples inconnues, la mise en œuvre du filet de sécurité que représente le programme OMT de la BCE – l’achat direct de titres de la dette sur le marché secondaire – reste dans le flou. En raison de l’opposition résolue de la Bundesbank à cette politique, réaffirmée par un article de son président dans le Financial Times, et de l’imprécision du préalable que la BCE pose. Que représente exactement cet « accès régulier au marché » qui doit avoir été retrouvé ? En Italie, le président du conseil Enrico Letta enfourche le désormais classique « la crise est derrière nous », afin de donner du cœur au ventre des transfuges du PDL dont il attend le ralliement, éludant les précisions attendues sur les mesures permettant de contenir le déficit. En Espagne, la dette publique va dépasser le seuil fatidique des 100 % du PIB, en dessous duquel on ne peut plus descendre prédisent certains, tandis que le ministre du budget Cristóbal Montoro présente un budget 2014 de « redressement ». Les ressources du vocabulaire sont infinies.
2.Quelle seront les caractéristiques de la nouvelle opération de prêts à long terme (LTRO) de la BCE, qui soulève de nombreuses interrogations (et un refus affirmé) ?
Les analystes soulignent qu’il n’y a pas d’urgence, la banque centrale ayant prolongé jusqu’en juillet 2014 ses opérations de prêts illimités à trois mois, laissant un peu de temps pour définir les modalités de la nouvelle mouture. 649 milliards d’euros de prêts de la précédente opération de 1.100 milliards viennent à échéance fin 2014-début 2015, représentant un mur que les banques débitrices ne pourront pas toutes franchir. Le taux de l’Euribor à trois mois a augmenté, passant de 0,128 % en décembre dernier à 0,225 %, une tendance qui ne peut que se poursuivre. Le prochain LTRO étant appelé à solutionner d’autres problèmes, comment va-t-il être calibré ? Les hypothèses circulent : sera-t-il à maturité allongée, conditionné à des prêts aux PME, les taux de ceux-ci seront-ils capés (ne pouvant dépasser une certaine valeur) ? En attendant, la BCE vit dans l’expectative, suspendue à la décision de la Fed de réduire ses achats obligataires mensuels ainsi qu’à la hausse des taux qui a commencée et s’accentuerait alors, non sans répercussions sur la croissance européenne anémique.
3.Que peut-on attendre de l’examen par la BCE de la valorisation des actifs détenus par les principales banques européennes, censé donner enfin un bulletin de santé sincère de celles-ci ?
Avant même que ce nouveau test ne soit commencé, ses résultats sont anticipés par Klaus Regling, le directeur général du Mécanisme européen de stabilité (MES), qui estime que l’opération de transparence des bilans des banques ne va pas créer de volatilité, c’est-à-dire mettre en évidence d’importants besoins de financement. « Au contraire. Cela va permettre de mettre fin aux rumeurs de marchés de sous-capitalisation des banques de certains pays » et « stoppera la spéculation ». Tout en poursuivant sans craindre : « Nous connaissons bien la situation en Grèce, au Portugal, en Irlande et en Espagne et, d’après ce que nous savons, il n’y a pas de grandes inquiétudes à avoir dans ces pays ». Vítor Constâncio, le vice-président de la BCE chargé de l’examen à venir, a tenu sans attendre à expliquer que les banques européennes sont aussi solides que leurs consœurs américaines, ce qui à bien y réfléchir n’est peut-être pas aussi rassurant que recherché, à moins que cela ne vaille reconnaissance du manque de crédibilité des autorités de surveillance. « La situation des banques est meilleure que la perception que le marché en a », a-t-il affirmé hier lundi, s’appuyant sur le fait que la moyenne des fonds propres tier one était légèrement au dessus de celle des banques américaines ». Des chiffres devaient être trouvés à l’appui de sa démonstration !
Son personnel renforcé après recrutement d’un millier de nouveaux employés, la BCE va s’atteler à l’établissement d’un modèle d’évaluation de la solidité des banques après harmonisation européenne de la définition des caractéristiques des prêts non performants, en coordination avec l’autorité bancaire européenne (EBA), puis à une revue de détail des actifs, banque par banque et pays par pays. L’ensemble se veut exhaustif et exemplaire, mais qu’en sera-t-il, une fois exercé l’art du possible, mesuré à l’aune des disponibilités financières destinées au renforcement des banques ? Les déclarations autorisées de Klaus Regling et Vítor Constâncio ne sont pas spécialement encourageantes.
Si vous avez des questions simples, ils ont des réponses compliquées.