Billet invité
Les réactions ne se sont pas fait attendre, les marchés boursiers et obligataires ont salué la décision de la Fed de ne pas prendre de décision, en poursuivant ses achats de titres : il n’y a pas de calendrier pour décélérer ses achats mensuels de 85 milliards de dollars, et il n’y a pas de « chiffre magique» qui en donnerait le signal, a-t-on appris hier à l’issue de la réunion de la banque centrale américaine. C’est gagné pour la surprise et raté pour la forward guidance (politique d’orientation prospective) dont il est fait si grand cas par ailleurs.
Passé le moment de la surprise – car une première décélération modique était attendue – vient celui de l’interprétation. Les raisons pour lesquelles la Fed semblait vouloir resserrer sa politique monétaire n’ayant pas été clairement identifiées, pour ne pas s’en tenir aux seules explications données, que va-t-il en être de son maintien ? Le Comité de politique monétaire de la Fed donne comme justification dans son communiqué qu’il ne faut pas « ralentir le rythme d’amélioration de la conjoncture de l’économie et du marché du travail », mais est-ce bien la véritable raison ? Cherchant à faire bonne figure, la banque centrale a reculé devant la réaction des marchés, dont la conséquence immédiate avait été de relever les taux obligataires. À l’annonce de la Fed, le taux des titres de la dette à dix ans diminuait de 0,15 % immédiatement, après avoir augmenté de 1 % en 4 mois (non sans conséquence sur le marché de l’immobilier) et les bourses reprenaient leur danse un moment interrompue.
À ce rythme, le bilan de la Fed continue d’enfler et va atteindre les 4.000 milliards de dollars d’ici peu, mais il n’est question que de ralentir cette progression ! L’un des aspects trop méconnus de cette situation, dernièrement souligné par Paul Jorion, est qu’une telle immobilisation d’actifs contribue à peser sur la disponibilité du collatéral, dont le système financier a de plus en plus besoin. Et que cela va immanquablement susciter de nouvelles acrobaties. Quant à commencer à assécher le marché de ces énormes quantités de liquidité, il n’en est même pas question : elles jouent le rôle de carburant d’un moteur qui sans elles pourrait caler. La sanction normale aurait été en d’autres temps de déclencher une inflation massive, mais nous ne sommes plus dans une situation normale, comme sa faiblesse en témoigne aux États-Unis et en Europe. Est-ce partie remise ou ces masses de liquidité qui ne s’investissent pas dans l’économie – signifiant le redémarrage à plein régime du moteur de fabrication de la dette – vont-elles continuer d’alimenter en circuit fermé les transactions strictement financières ? Avec comme conséquence que leur base d’appui, l’économie, sera relativement de plus en plus restreinte, et que le risque sera par voie de conséquence de plus en plus élevé, sans que la régulation qui court derrière puisse l’empêcher ?
Quelle fuite en avant !