Billet invité.
Annoncé en fanfare, le retour de la Grèce et du Portugal sur le marché n’est pas pour demain, après avoir été planifié pour 2014. Les dirigeants européens se sont pris les pieds dans le tapis et vont devoir faire un gros effort durant les mois qui viennent pour ne pas s’étaler devant tout le monde. Ils récoltent l’inconsistance de plans de sauvetage qui n’ont pas répondu à leurs attentes et vont devoir être renouvelés. L’aide déjà accordée va d’une manière ou d’une autre être roulée, comme les banques savent le faire lorsque leurs clients ne sont pas solvables et qu’elles ne veulent pas constater leurs pertes. C’est ainsi qu’elles ont procédés sur le marché des LBO (acquisition d’une entreprise par emprunt), étant depuis arrivées au bout de l’exercice et n’ayant plus en magasin comme seule issue retardatrice que de devenir actionnaires d’entreprises en difficulté ne pouvant plus les payer. Une dernière pirouette qui n’est pas envisageable avec les États!
La Grèce n’a pas seulement un trou immédiat dans son plan de financement de l’ordre de 4 milliards d’euros d’ici la fin de l’année, et autant l’année prochaine, mais elle va devoir être pour la troisième fois financée à hauteur de 10 à 15 milliards d’euros, au plus tard à l’automne 2014. Un nouveau plan de sauvetage est nécessaire pour permettre le remboursement des deux précédents, posant la question de ses modalités. Trois possibilités sont offertes, dont l’une est déjà exclue par Angela Merkel, bien que recommandée par le FMI : une réduction de la dette qui affecterait cette fois-ci ses détenteurs publics. Il ne reste qu’une diminution des intérêts dont les prêts précédents sont porteurs, ou un aménagement du calendrier de leur remboursement (leur combinaison est possible).
Une décision politique devra être prise en avril prochain, repoussant d’un commun accord à cette échéance tout affrontement entre les dirigeants européens et le FMI, la poursuite du remboursement de celui-ci étant en question. De son côté, la BCE demande le paiement des titres de la dette grecque qu’elle détient, se refusant à faire rouler sa créance. Complication supplémentaire, des contreparties budgétaires devront être trouvées, menaçant une coalition gouvernementale déjà très éprouvée, alors que le pays est exsangue si l’on ne prend pas en considération les biens de l’Église et les fortunes (à l’abri) des armateurs.
Le rocambolesque feuilleton portugais de l’été n’est pas terminé. La Cour constitutionnelle retoquant pour la seconde fois des mesures d’austérité gouvernementales, le premier ministre Pedro Passos Coelho a reconnu hier pour la première fois qu’un second plan de sauvetage – dont il avait toujours nié la pertinence jusqu’à maintenant – pourrait être indispensable. Après avoir nommé vice-premier ministre son partenaire de la coalition, Paulo Portas, qui avait démissionné de son poste de ministre des affaires étrangères en guise de protestation devant de nouvelles mesures d’austérité qu’il ne voulait pas assumer, il vient de déléguer à ce dernier la responsabilité pleine et entière des négociations avec la Troïka qui vont débuter à la mi-septembre, après avoir été repoussées en raison de la crise politique. Une tentative de gouvernement d’unité nationale menée sous les auspices du président de la République, Anibal Cavaco Silva, avait fait long feu. Mais dans l’immédiat, de nouvelles coupes budgétaires vont devoir être trouvées pour compenser l’effet des licenciements de fonctionnaires initialement prévus. La Troïka pourra-t-elle de son côté s’en tirer avec un troisième aménagement du calendrier de réduction du déficit public, en l’étirant à nouveau ?
La démonstration programmée est d’ores et déjà annulée : la normalisation n’aura pas lieu en Grèce et au Portugal, tout du moins sous la forme rêvée d’un retour triomphant sur le marché. Il faudra au mieux se contenter de l’accalmie obligataire actuelle, aux bons soins de la BCE. Les pays du Sud de l’Europe partagent dans l’oubli le même destin que les banlieues déshéritées des métropoles. La contamination financière est elle aussi en taches de léopard. Les frontières en sont invisibles, mais le mur de l’indifférence est solide. La ségrégation géographique est engendrée par la distribution inégale de la richesse. Chacun chez soi, chacun pour soi !