FUKUSHIMA, FUTURE ZONE INTERDITE, par François Leclerc

Billet invité.

Ce lundi matin, le nouveau désastre se révèle dans toute son ampleur sur le site de la centrale avec la visite du ministre de l’industrie accompagnée du PDG de Tepco. Shinzo Abe, le premier ministre avait déjà promis que le gouvernement allait s’impliquer davantage dans la recherche de solutions aux problèmes endémiques de gestion de l’eau contaminée que rencontre Tepco. On attend désormais les dispositions qu’entend prendre le ministre en charge, qui ne peut fuir ses responsabilités en les masquant derrière l’irresponsabilité confirmée de l’opérateur, désormais nationalisé.

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Cliquer sur l’image pour l’agrandir – © Matthieu Ferrand

La cause de la fuite de 300 tonnes d’eau hautement contaminée sur un réservoir qui en contenait 1.000 d’origine avant d’avoir été vidé reste toujours inconnue, après la découverte initiale de flaques d’eau radioactives qui date déjà d’une semaine, elles-mêmes résultat d’une fuite qui n’avait pas été décelée et devait être intervenue plusieurs semaines auparavant en raison de leur importance. Toute évaluation sérieuse du risque de sa reproduction sur d’autres réservoirs en dépend. Or, il y a 350 réservoirs du type de celui qui a fui, sans compter les quelques 650 autres ! A la suite d’un premier examen réalisé en urgence, des points de contamination ont été relevés sur 4 autres réservoirs, sans que des fuites soient constatées, laissant présumer que l’eau s’est évaporée ou a pénétré dans le sol. Aucune indication n’est à ce propos donnée sur la profondeur de la contamination du sol sur lequel les flaques se sont étalées.

Ce sont d’énormes assemblages de plaques d’acier de 11 mètres de haut, assemblées sur place, de la contenance d’un tiers d’une piscine olympique, dont il est désormais établi que leur étanchéité n’est pas à toute épreuve. La salinité de l’eau de mer qui a été utilisée pour le refroidissement des réacteurs peut corroder l’acier utilisé, quand les réservoirs en contiennent, ou bien attaquer les joints de caoutchouc d’assemblage. Mais le risque le plus grave résulterait d’un séisme qui pourrait disloquer un grand nombre de réservoirs, contaminant en profondeur le sol sur une très vaste étendue ainsi que l’Océan Pacifique tout proche, faisant des terrains où ils sont entreposés une zone interdite. Autre illustration de la précarité de la situation, le réservoir incriminé a déjà dû être changé de place – vidé, démonté et reconstruit – en raison d’un affaissement de la dalle de béton sur laquelle il reposait, sans que la fuite puisse être attribuée avec certitude à cet épisode.

Que va bien pouvoir annoncer le ministre ? Le gigantesque champ de réservoirs créé par l’opérateur est désormais un fait accompli, sans solution de stockage alternative. Un des réservoirs creusés dans le terrain a lui aussi précédemment fui, rendant impraticable la généralisation d’une telle solution. Elle demanderait d’étendre encore la zone de stockage, avec le risque qu’elle devienne une gigantesque piscine d’eau hautement contaminée à ciel ouvert où seuls des robots à inventer pourraient accéder… Pourquoi faire d’ailleurs ?

Que peut-il constater, sinon que la zone hautement contaminée où sont groupés les 4 réacteurs de Fukushima-Daiichi a été largement élargie au lieu d’être circonscrite, rendant encore plus problématique la conception et la réalisation de structures et de moyens de stockage permettant de l’isoler efficacement et de manière durable faute de savoir la résorber ? Voilà toute la vérité : l’opérateur doit impérativement continuer à refroidir le cœur fondu des réacteurs et à produire de l’eau radioactive qu’il ne sait ni décontaminer – malgré ses multiples tentatives et ses installations successives d’équipements ne répondant pas à leurs promesses – ni même stocker ! Tout en prétendant que la situation est “stabilisée”…

Actualisation : « Nous allons revoir de fond en comble la façon dont cette eau est gérée », a déclaré lors de sa conférence de presse le ministre de l’industrie, Naomi Hirose, en annonçant… la création d’une cellule spéciale de réflexion et des « mesures d’urgence radicales » qui consistent à mieux surveiller les réservoirs. Un remplacement des réservoirs du type de celui qui a fui pourrait être envisagé, un chantier de plus qui supposerait le transvasement de presque 350.000 tonnes d’eau contaminée…