Billet invité.
Fleuron des mégabanques allemandes, la Deutsche Bank vient de passer de nouvelles provisions pour risque de 630 millions d’euros. Elle devrait par ailleurs s’engager dans une réduction qui pourrait être de 12% de la taille de son bilan, afin de le diminuer de 250 milliards d’euros (sur 2.012 milliards fin 2012) en taillant dans ses produits dérivés, marché sur lequel elle est l’un des grands intervenants mondiaux. Enfin, elle pourrait augmenter son capital de 6 milliards d’euros, mais attend de connaître quels instruments seront autorisés parmi les obligations convertibles, de la dette pouvant dans certaines conditions être transformée en capital. C’est un des grands enjeux des discussions qui se poursuivent, principale variable d’ajustement de la future réglementation bancaire avec l’évolution des normes comptables.
Autre exemple, afin de se rapprocher de l’objectif d’un effet de levier de 3% entre capitaux propres et actifs, la Barclays britannique va sans attendre procéder à une émission de nouvelles actions pour lever 5,8 milliards de livres, mais assorties d’une prudente décote de 40% par rapport au prix de marché afin de garantir sa souscription. Que ce soit la Barclays ou la Deutsche, les deux établissements ont dû faire face – ou se préparent à le faire – à de lourdes amendes pour des malversations diverses. Barclays, ainsi d’ailleurs que JP Morgan Chase aux États-Unis, a été accusée de manipulations des prix de l’électricité sur les marchés américains par la Commission fédérale de régulation de l’énergie (FERC) et a écopé d’une amende de 300 millions de livres. Celle que devrait payer JP Morgan Chase dans le cadre d’un accord amiable serait de 400 millions de dollars. Deutsche Bank et Barclays sont toutes deux impliquées dans la manipulation du Libor, la seconde déjà condamnée.
Ainsi va la vie des banques européennes, confrontées à un héritage qu’elles ne peuvent refuser mais cherchent à dissimuler pour y faire progressivement face, épinglées pour leurs malversations passées qui sont dévoilées et confrontées à la nécessité de se financer, ou alternativement de réduire leur voilure, solution par défaut qui leur semble moins douloureuse.
Faudrait-il par ailleurs croire, comme il est largement répandu, que les banques européennes sont particulièrement en retard dans leur renforcement par rapport à leur concurrentes et collègues américaines ? Une étude du FDIC américain, qui porte sur l’effet de levier des banques systémiques mondiales, démontre que ce n’est pas le cas, une fois le montant des actifs des banques américaines recalculé suivant les mêmes normes comptables IFRS que les européennes ; les américaines peuvent en effet grandement minorer la taille de leurs bilans (de 50 à 80% dans les cas extrêmes, comme celui de Goldman Sachs, car c’est le traitement des produits dérivés qui fait la différence). Côté européen, selon ces calculs, la Deutsche Bank apparait particulièrement en état de faiblesse avec un ratio de 1,63% (et non supérieur à 3% comme elle l’affirme), tandis qu’en France le Crédit Agricole et la Société Générale, qui font silence radio sur ce sujet (et sur bien d’autres), sont créditées d’un taux n’atteignant pas les 3% qui s’annoncent comme allant être réglementaires.
Par un curieux phénomène que l’on pourrait croire de mimétisme, dans un monde financier où la personnification fait rage, le système bancaire chinois semble atteint par la même affection que les banques occidentales, mais avec un temps de retard. Un surendettement massif est découvert, notamment des gouvernements locaux et des grandes villes, avec comme conséquence l’explosion du volume des instruments financiers non régulés du shadow banking chinois. A tel point que le gouvernement central vient de lancer un audit de la dette publique auprès de celui-ci, afin de l’évaluer… D’après le FMI, le total de l’endettement auprès des prêteurs publics et privés est proche de 200% du PIB (dont 55% attribuable au shadow banking, selon Moody’s), alors qu’il était mesuré à 130% en 2008.
Le système financier chinois se retrouve en terrain déjà exploré, caractérisé par une gigantesque bulle d’investissements (principalement immobilier), un risque de défaut qui ne l’est pas moins, et une allocation du capital inadéquate si l’on veut favoriser le développement de la consommation. Dans l’immédiat, faisant suite à la crise de liquidités des banques publiques, la Banque centrale chinoise vient d’injecter dans celles-ci l’équivalent de 2,8 milliards d’euros, et ce n’est qu’un début, car c’est leur solvabilité qui s’annonce en question.
Les systèmes sont différents, mais les logiques sont étonnement les mêmes dès que l’activité financière prend le dessus, ce qui tendrait à démontrer que la crise de celle-ci appelle des remèdes identiques. Non seulement en terme de sa régulation et de ses interdits, mais aussi de modèle de société en dépit de la disparité des niveaux de vie.