Billet invité.
Saisie par le gouvernement argentin qui lui demande d’annuler le jugement d’un tribunal new-yorkais, la Cour Suprême des États-Unis va devoir décider si elle statue ou non sur un sujet l’opposant à deux fonds vautour, NML Capital appartenant à Elliott Management et Aurelius. Ceux-ci réclament le payement intégral avec intérêts (1,3 milliards de dollars) de titres de la dette argentine ayant fait l’objet d’un accord de décote de 70%.
Le jugement de ce tribunal new-yorkais rend de facto impossible toute restructuration de dette par un État se déclarant en défaut. Parallèlement à un pourvoi en appel selon la procédure habituelle, l’Argentine a décidé de saisir également immédiatement la Cour Suprême, dont les conséquences potentielles du jugement sont telles qu’elles suscitent toute une agitation à laquelle participe le FMI et le gouvernement américain… ainsi que le gouvernement français, au titre de sa présidence du Club de Paris. En effet, si la Cour refusait de s’impliquer dans l’affaire, et l’appel était rejeté, cela affecterait dans l’avenir le règlement ordonné des restructurations de dette souveraine.
Le FMI avait le premier annoncé son intention de recommander à la Cour de se saisir, mais a ensuite fait machine arrière, l’administration américaine ayant choisi la prudence dans l’immédiat. Un porte-parole du Trésor américain a déclaré à l’AFP : « Nous comprenons que le FMI a de sérieuses inquiétudes sur l’impact que cette décision peut avoir sur sa mission » mais a fait valoir que le procès était encore en appel et qu’il était prématuré d’intervenir, poursuivant : « Les États-Unis vont continuer à réfléchir pour déterminer si et quand ils participeront à cette procédure. Cela pourrait prendre comme forme que les États-Unis expriment leur position à la demande de la Cour suprême ». Le ministère de l’économie français a pris le relais, annonçant qu’il allait intervenir sans tarder auprès de la Cour, en utilisant une procédure qui permet à un acteur non partie prenante d’un litige d’intervenir, s’il estime qu’il peut contribuer à la décision finale.
On ne cherche pas à maladroitement influencer la Cour Suprême, au risque qu’elle s’en offusque ! Mais les démarches qui sont envisagées reflètent l’importance du sujet : il ne faudrait pas que la porte des restructurations de dette soit de facto fermée par un tribunal américain, devant lequel n’importe quel fonds vautour pourrait à l’avenir demander réparation et l’obtenir, suscitant de nouvelles vocations. Cela montre également que, quelles que soient les déclarations officielles, une petite idée continue de trotter dans toutes les têtes : il ne faut pas laisser fermer la porte des restructurations, car on pourrait s’en repentir. Pour les investisseurs, ce ne serait au contraire que du bonheur, puisque le risque disparaitrait sans que la prime de risque incluse dans le taux d’intérêt en fasse autant ! Enfin, des produits financiers sans risque, comme au bon vieux temps, dont on peut accroître le rendement sur le marché des CDS…