Billet invité.
Le deuxième acte de la crise européenne que nous venons d’entamer est prévu pour durer longtemps, le temps qu’il faudra pour réaliser un désendettement qui en demande bien plus qu’originellement prévu, évalué dans l’incertitude à une décennie. Autant avouer que l’on n’en discerne pas le terme.
Comme si les rebondissements à répétition du processus chaotique de désendettement des États – qui va se poursuivre – ne suffisaient pas, celui des banques monte désormais en puissance après avoir été longtemps escamoté, sans donner de signe qu’il va être plus aisé. En attendant, les banques restreignent l’accès au crédit en privilégiant la réduction de leur bilan, et accentuent la crise économique, plus particulièrement dans les pays de la périphérie. Attendue comme le sauveur, la croissance ne va pas être au rendez-vous de sitôt, tout au plus selon une version anémiée, ce qui va encore ralentir le lent processus de désendettement des États et accentuer les conséquences sociales de la dévaluation interne qui l’accompagne. Sous les effets conjugués de la crise et du basculement économique mondial, une page a été tournée qui imposerait de changer de paradigme, un exercice aux antipodes de qui est aveuglément seriné.
Ce qui renvoie à la poursuite de la crise politique, dont l’enjeu est le maintien au pouvoir de partis ou de coalitions d’unité nationale servant de relais à une stratégie sans remplacement quoique défaillante. Des consultations électorales approchent, dont les résultats seront marqués par la grande désaffection dont souffrent les partis de gouvernement. Le point d’appui qu’ils représentent s’effrite, présageant l’apparition d’obstacles supplémentaires à la poursuite de la politique en vigueur. C’est déjà le cas au Portugal à propos duquel une négociation va s’engager.
Comment sortir de ce guêpier ? C’est le royaume des fausses bonnes idées. À force de vouloir protéger l’Allemagne d’une catastrophe pressentie, son gouvernement ne fait que l’y précipiter, zone euro comprise et même au-delà. A contrario, le FMI relaye l’administration américaine et conseille à la BCE de favoriser la relance en adoptant une politique monétaire s’inspirant de celles de ses consœurs américaine et britannique, pourtant pas spécialement probantes en terme de résultat dans ce domaine. Le gouvernement français préfère quant à lui s’en remettre à un mystérieux cycle économique, cousin de la théorie du culbuto (qui se redresse toujours) et de la méthode Coué.
Forcé et contraint, le système financier est entré dans une cure d’amaigrissement dont le désendettement est l’un des volets. C’est à ce prix qu’il pourrait prétendre retrouver l’équilibre qu’il a perdu, mais qu’il est toujours résolu à ne pas payer ! Pourtant, les signaux qui l’annoncent ne manquent pas. Les restructurations de la dette grecque et l’adoption par les autorités européennes d’une procédure de renflouement des banques aux frais des actionnaires et de certains créanciers ne sont que des amuse-gueule. La demande croissante de garanties, sous forme de collatéral de qualité, c’est à dire d’actifs censés reposer sur une réalité économique, porte en elle – à moins de s’engager dans un nouvel assaut de créativité aux redoutables effets – un rétrécissement du volume de l’activité financière. Enfin, les régulateurs du Comité de Bâle s’intéressent à la réglementation de l’effet de levier des banques, qui s’en inquiètent, sans que l’on sache encore jusqu’où ira leur audace en matière de limitation de celui-ci.
Mais n’anticipons pas, car il va falloir attendre avant que ces questions n’arrivent à maturité. Dans l’immédiat, le gouvernement allemand se prépare à scier une nouvelle branche en imposant que toute décision concernant les banques soit prise sur une base nationale, à l’inverse de la proposition de la Commission qui prévoit une autorité européenne. On ne pourrait mieux favoriser la poursuite de la dissimulation des pertes des banques et avec elle de la crise. La situation des banques revient au centre de la crise qu’elle n’aurait jamais dû quitter, mais elles vont être à nouveau protégées, car en Europe elles sont particulièrement trop grosses pour être sauvées.