Billet invité
La crise politique est désormais générale dans le Troïkaland, devenue un facteur aggravant de la dynamique de la crise européenne. Des gouvernements précaires de circonstance ne parviennent dans aucun de ces pays – Espagne, Grèce, Italie et Portugal – à maîtriser la dégradation de la situation économique et sociale qui se poursuit, ne se maintenant au pouvoir que par défaut.
Au Portugal, les deux partis de la coalition gouvernementale – le PSD et le CDS-PP – entament à la demande du Président de la République des négociations avec le PS en vue d’adopter un accord improbable de « salut national » (en attendant un gouvernement du même nom, tout aussi improbable). Mais les socialistes annoncent voter une motion de censure déposée par les Verts et conditionnent tout accord à la renégociation du plan de sauvetage de la Troïka – qu’ils ont à l’époque initié – afin d’entériner des objectifs de réduction de la dette prenant en compte la croissance économique. La crise politique est désormais permanente.
En Espagne, le PSOE demande la démission immédiate de Mariano Rajoy, le premier ministre, les éléments à charge s’accumulant à propos des enveloppes qu’il aurait mensuellement reçues avec d’autres dirigeants du Partido Popular (PP). Derniers en date, des échanges de SMS du premier ministre avec l’ancien trésorier du PP depuis sa prison, impliquant entre eux une négociation à propos du silence de ce dernier, ce que Mariano Rajoy dément. Également contre toute évidence, mais sur un autre terrain, le ministre de l’économie Luis de Guindos annonce que « la récession est passée, la question porte désormais sur la vigueur de la reprise » et que l’Espagne ne songe plus à demander des fonds. Les banques nationales négocient cependant la transformation de 30 milliards d’euros d’impôts différés en crédit d’impôt afin de renforcer leurs fonds propres, ce qui devrait peser d’autant sur le déficit public…
En Grèce, la coalition formée par Nouvelle Démocratie et le Pasok survit au départ du petit parti de gauche Dimar et doit honorer ses nouveaux engagements vis-à-vis de la Troïka, afin de recevoir en partie une nouvelle tranche d’aide financière évitant de faire défaut sur le remboursement d’aides précédentes. Les deux partis sont condamnés à s’entendre afin d’éviter des élections dont le résultat serait pour eux désastreux, Syriza talonnant de peu Nouvelle Démocratie dans les sondages et devançant le Pasok. Le parlement est dans l’immédiat appelé à voter une loi portant sur la réforme du secteur public, avec pour objectif de supprimer 4.000 emplois d’ici la fin de l’année et d’imposer des mutations, pouvant être le prélude à leur licenciement, à 12.500 fonctionnaires. On ne parle plus du programme de privatisation, qui connait échec sur échec…
La coalition PD-PdL italienne dirigée par Enrico Letta survit suspendue à la décision de Silvio Berlusconi de la faire chuter quand il le jugera opportun, tandis que Beppe Grillo, le leader du Mouvement 5 étoiles, appelle le Président de la République a convoquer de nouvelles élections dans un climat politique déliquescent. Standard & Poor’s vient de dégrader de BBB+ à BBB la note de l’Italie et le FMI prévoit une récession de -1,8 % du PIB cette année, ce qui n’empêche pas Fabrizio Saccomanni, le ministre de l’économie, d’apercevoir « les premiers signes de la croissance ». Le FMI préfère pour sa part voir « des signes de stabilisation mais de forts vents contraires [qui] continuent de freiner la reprise ». Enrico Letta manœuvre en permanence entre les engagements de rigueur européens et les exigences de baisse des impôts de Silvio Berlusconi, avec en fin d’année un trou budgétaire de 12 milliards d’euros selon des sources gouvernementales citées par le quotidien « La Repubblica ».
En Grèce et en Italie, la formation de coalitions bancales a été une solution de dernière extrémité permettant de conserver un interlocuteur auquel imposer les recettes du désendettement, car il en faut un afin de respecter la souveraineté et les règles de la démocratie représentative ! Cela reste à construire au Portugal, si cela ne se pose pas encore en Espagne, où toutefois le scandale touchant le PP ne peut plus être contenu, les prochaines élections n’étant pour l’instant prévues qu’en 2015 et le PSOE ne souhaitant pas qu’elles soient anticipées en raison du score que les instituts de sondage lui prédisent.
Trouver une majorité dans cette crise politique généralisée semble partout nécessiter le même expédient, à chaque fois au nom d’un « salut national » qui n’a de salut que le nom. Mais comment cette fiction pourra-t-elle tenir les dix années qui sont annoncées comme allant être nécessaires pour conclure le désendettement et ce qui l’accompagne ?