Billet invité.
On avait compris l’importance des difficiles négociations en cours à propos de l’union bancaire, à mettre en relation avec le volume des estimations des besoins de recapitalisation des banques qui circulent, avant même que de nouvelles évaluations officielles ne soient effectuées. Enfin, ne boudons pas notre plaisir ! il était implicitement reconnu, après avoir été soigneusement caché, que le système bancaire avait lui aussi besoin d’un remède de cheval, car le désendettement ne passait pas de ce côté-là non plus. Car sinon pourquoi s’acharner à prévoir des procédures de renflouement après en avoir si longtemps nié la nécessité ? Mais la suite est moins favorable…
Comme d’habitude, tout devient plus ardu lorsqu’il s’agit de savoir qui va payer. L’objectif affiché est d’éviter que les finances publiques soient à nouveau mises à contribution, car cela contredirait les efforts de réduction de leurs propres déficits (et risquerait d’avoir de sérieuses conséquences politiques). Mais les banques ne voient pas les choses de cet œil. Lorsqu’elles s’expriment publiquement sur le sujet – c’est rare et il faut le chercher dans des publications financières à la diffusion restreinte (1) – il est mis en avant que la perspective de voir adoptée une formule de renflouement s’inspirant de celle qui a été appliquée à Chypre (l’implication des actionnaires, des créanciers à des titres divers et des gros déposants) va renforcer l’instabilité financière. Notamment parce qu’elle aurait pour conséquence un accroissement de la demande de collatéral (2) et une hausse des intérêts sur le marché obligataire. Ce qui au demeurant n’est pas nécessairement faux !
Devant définir des principes communs, les ministres européens ne sont pas parvenus dans la nuit à se mettre d’accord à propos de leur degré de flexibilité. Se sont opposés le camp emmené par le gouvernement allemand et celui qui l’est par les Britanniques et les Français. Les premiers de ceux-ci engagés dans la poursuite difficile du sauvetage de leurs banques (3) et les seconds, à leur habitude, escamotant la question. Il a filtré de la réunion européenne inaboutie qu’il s’agissait pour eux de protéger les gros déposants et les entreprises, mais il faut y regarder de plus près, comme toujours.
En lisant par exemple le commentaire du commissaire Michel Barnier, qui n’y est pas allé par quatre chemins suite à l’échec des négociations qui vont se poursuivre dans une semaine, avant le sommet européen : « Nous avons besoin d’une claire hiérarchie [d’implication] pour le bail-in tout en accordant aux autorités nationales de résolution de la flexibilité, mais elle doit être limitée. Notre autre objectif principal est d’éviter que des règles du jeu équitables soient si inégales qu’il y aurait des bail-out pour les pays qui peuvent se le permettre et des bail-in pour les autres ». En d’autres termes, que les États des grands pays, en ayant les moyens, continueraient à financer leurs banques privées. Nous y voilà une fois de plus !
Lorsque l’on entre dans les méandres des discussions qui portent sur les fonds de résolution nationaux, un flou identique apparaît. La participation des États à la recapitalisation des banques est clairement évoquée, car les apports aux fonds nationaux de ces dernières seront pendant longtemps insuffisants au regard de l’ampleur des besoins potentiels connus. Pis, les fonds seront donc nationaux, au lieu d’être européens comme initialement prévu, avec comme conséquence prévisible de mettre à genoux les finances publiques lorsque les États devront passer à l’acte. Ceci dans le cas où des défaillances bancaires intervenaient.
Mais que va-t-il se passer quand la BCE va rendre son verdict à propos des besoins de recapitalisation des banques, une fois scrutées les valorisations des actifs qu’elles détiennent ? Va-t-il leur être intimé de le faire sans attendre – auquel cas les États devront être mis à contribution dans le cadre du dispositif provisoire qui les associe au MES – ou va-t-il leur être donné du temps ? Dans ce second cas de figure, c’est le dispositif qui n’est pas encore décidé qui sera utilisé et l’addition (qui sera salée, car entre-temps la santé du système bancaire ne se sera pas améliorée en raison de la récession) sera encore largement réglée avec des fonds publics a-t-on donc compris. Une autre formule, qui revient au même, pourra être adoptée : le gouvernement britannique en donne l’exemple en étudiant la possibilité de créer sur fonds publics une bad bank pour Royal Bank of Scotland (RBS), avant de la privatiser, ce qui revient à la classique nationalisation des pertes et privatisation des bénéfices.
Rien à faire, le principe des vases communicants n’est jamais pris en défaut ! Faute de prendre le problème à bras le corps, les États vont devoir se préparer à aider les banques à se désendetter, augmentant leur propre endettement qu’ils sont sommés de réduire. Une fois de plus, à force de bricolages et de ne pas vouloir aller à l’essentiel, les dirigeants européens sont en train de péniblement mettre au point une stratégie petit bras. Quelle constance, quel acharnement !
—-
(1) « Résolution bancaire, qui doit payer? » par Vincent Lévy-Garboua, senior advisor, direction générale de BNP Paribas – AGEFI Hebdo, du 20 au 26 juin 2013.
(2) Le collatéral manquerait en période de stress, estime la Securities Industry and Financial Market Association (Sifma), qui représente des centaines d’intervenants américains sur les marchés financiers. Voir aussi ICI.
(3) Billet à venir.