Billet invité.
Comment va la petite santé de la zone euro ces temps-ci ? Pas si bien que cela : tout s’est calmé en apparence, mais faut-il s’y fier ? Exprimer sa circonspection ne repose pas sur l’annonce d’un nouveau renflouement des banques espagnoles, ou la constatation de la poursuite de la rapide détérioration de la situation économique italienne. Ce doute s’appuie sur l’observation d’un phénomène d’autant plus préoccupant qu’il s’apparente à un travail de sape sous la zone euro : la détention par les banques d’obligations souveraines ou privées émises dans d’autre pays que le leur continue de diminuer. En d’autres termes, on assiste au sein de la zone à un repli des investisseurs sur leur territoire national, les investissements sont de moins en moins transnationaux.
En 2006, les banques de la zone euro détenaient en moyenne plus de 40% de titres de dette (publique et privée confondues) d’autres pays, mais ce niveau est retombé à 21,5%. Précisément celui qui avait été atteint en 1999, juste après le lancement de l’euro. Cette tendance se confirme de trimestre en trimestre. Une telle situation ne diminue pas les risque de propagation de la crise d’un pays à l’autre, mais en change simplement le mécanisme. Elle est le résultat conjoint du départ prononcé des capitaux expatriés des pays considérés à risque et de l’achat par les banques nationales de leur dette nationale. À la demande des autorités du pays, mais aussi parce que c’est dans l’immédiat une bonne affaire pour elles, étant donné son rendement et le coût très faible des liquidités de la BCE.
Ce repli des capitaux concrétise le démantèlement en cours de fait de la zone euro et renforce l’incitation déjà présente à refuser toute mutualisation de l’aide. Il favorise le chacun pour soi. Les écarts de taux du crédit aux entreprises qui accroissent les disparités au sein de la zone euro – auxquelles la BCE ne semble pas être en mesure de remédier – y contribuent également. Non seulement ils accélèrent la détérioration de la situation économique mais ils créent des tendances centrifuges dans les pays qui en sont les principales victimes. Les pays fortunés fabriquent de la rétention, ceux qui ne le sont pas envisagent de sortir d’une zone monétaire qui les précipite dans l’abîme, considérant qu’ils n’ont plus rien à perdre. C’est notamment le cas au Portugal, un autre pays sans avenir avec la Grèce.
Enfin, la dépendance financière réciproque des banques et des États, voie privilégiée de la propagation de la crise dans sa version européenne, en sort accrue au contraire des objectifs proclamés. Qu’elle ne soit plus transfrontalière ne fait qu’accroître les facteurs de faiblesse des pays du Sud de l’Europe et la menace de dislocation de la zone euro. Seule échappatoire, la BCE joue son rôle de bad bank et de fontaine à liquidités, ce qui avec la survalorisation des actifs dans les bilans bancaires est une autre manière de planquer les dettes sous le tapis en attendant de meilleurs jours, si toutefois ils surviennent dans la logique du détricotage en cours.