Billet invité.
Sept ministres et une quarantaine de patrons accompagnaient François Hollande lors de sa visite au Japon. Il n’en fallait pas moins pour faire des affaires y compris dans l’électronucléaire, l’un des buts du voyage, et de plaquer un discours politique de circonstance sur la situation du pays, à destination de l’opinion publique française.
Arnaud Montebourg s’est particulièrement illustré en déclarant d’entrée que « les dogmes libéraux et monétaristes ont été abandonnés par un gouvernement de centre-droit au Japon », ajoutant ensuite « les Japonais ont une vision, avec la nouvelle politique de la croissance, qui sert finalement toutes les positions françaises au sein de l’Union européenne et hors de l’Union européenne ». Soulignant que « l’indépendance de la Banque centrale est statutaire, mais elle a disparu en fait », indiquant ainsi, si on le comprend bien, la voie à suivre : l’injection d’énormes masses financières dans les circuits financiers, à l’instar de la Banque du Japon.
François Hollande n’a pas été en reste, de manière plus enveloppée : « … cette priorité donnée à la croissance, cette volonté de lutter contre ce qui était appelé ici la déflation (sic), cette exigence de faire en sorte que la compétitivité des entreprises soit recherchée en même temps afin qu’il puisse y avoir un soutien à l’activité, c’est une bonne nouvelle pour l’Europe, parce qu’en Europe aussi nous avons à donner priorité à la croissance ». La pensée économique du gouvernement français est étourdissante quand l’attention baisse.
L’équivalent de 80 milliards d’euros ont été investis par le gouvernement, la Banque du Japon a ensuite ouvert les vannes monétaires et des précisions sont attendues à propos du plan destiné à révéler le « potentiel de croissance » de l’économie. Des trois flèches du carquois de Shinzo Abe, le premier ministre japonais que cette image enchante, deux ont déjà été tirées et les résultats laissent dubitatifs. Combien d’années faudra-t-il, s’interrogent les analystes, pour les constater ? Les liquidités déversées dans le système financier japonais auront-elles d’autre effet que celui dont bénéficient les économies américaine et européenne ? Rien pour l’instant ne l’indique, le gouvernement japonais s’extasiant pour meubler devant les pousses maigrelettes d’un printemps tardif, annoncées prometteuses comme il se doit.
Le premier ministre s’interroge ouvertement sur l’opportunité de hausser à 8% le taux de 5% de la taxe sur la consommation (TVA), hausse décidée auparavant afin de freiner la poursuite de la croissance non maitrisée de la colossale dette japonaise. Cette mesure est un serpent de mer au Japon. « L’économie est une chose vivante », a-t-il expliqué pour justifier son probable prochain tournant, constatant que l’impact de la dévalorisation de 25% du yen sur les exportations se fait attendre – mais pas le renchérissement des importations – et qu’il est de bonne politique de soutenir la demande intérieure et non pas de la décourager. « Nous devons améliorer encore l’économie réelle et la mettre sur la voie d’une croissance robuste. » a-t-il déclaré. Mais l’expérience montre que la référence à l’économie réelle, une expression qui tend à se généraliser, n’est jamais très bon signe, signifiant qu’elle est délaissée.
Avec sa politique qualifiée d’« Abenomics », le gouvernement japonais titille la queue du dragon (comme lors des expériences de déclenchement de la criticité du plutonium à Los Alamos), et nul ne sait ce qui peut en résulter. C’est moins le danger de l’hyperinflation que soulignent les commentaires des analystes que le danger du déclenchement d’une hausse des taux obligataires du pays. Les banques japonaises détiennent dans leurs comptes, avec la banque centrale, une très grande partie de la dette et finiraient par s’écrouler. Par ailleurs, la croissance que devrait atteindre le pays pour stabiliser son endettement deviendrait totalement hors de portée. Il ne resterait plus qu’à faire défaut ou à restructurer une dette détenue en interne, un scénario catastrophe dont les effets systémiques se propageraient cette fois-ci moins par le système financier que par l’économie en raison de ses effets sur le commerce international.
Voilà ce qui est proposé comme source d’inspiration !