Billet invité.
Suite au G7 qui vient de se tenir et d’ici le 20 septembre, date du G20 de St Petersbourg, un sommet européen aura lieu le 22 mai, puis un G8 en juin, avec à chaque fois à leur ordre du jour un point sur l’évasion fiscale. Un forum mondial des administrations fiscales se réunira entre temps les 16 et 17 mai prochains. Quel foisonnement !
Parallèlement, une enquête est conjointement engagée par les autorités américaine, australienne et britannique, à propos de données encore plus fournies, mais cousines, que celles divulguées par le Centre international de journalisme d’investigation (ICIJ). D’autres gouvernements pourraient à leur demande bénéficier de leur communication. La Commission a par ailleurs pour mission, à la demande de neuf États européens, de préparer une nouvelle réglementation. Il serait aussi question de mettre sur pied un organisme international permanent en charge de la lutte contre la fraude fiscale. Enfin, les discussions se poursuivent en Europe et avec des paradis fiscaux comme Singapour à propos de la mise en œuvre de l’échange automatiques des données, afin de le généraliser.
Il est trop tôt pour estimer ce qui va pouvoir résulter de cette impressionnante suite de réunions, d’enquêtes et de négociations, mais pas pour se poser sans attendre quelques questions. Jusqu’où cela va-t-il aller ? Quel est l’enjeu ? Lever le voile sur les repaires de la finance de l’ombre ou bien épingler les plus maladroits des fraudeurs pour l’exemple et assurer de bienvenues rentrées fiscales ?
Un des premiers avantages des discussions à propos de l’extension de l’échange automatique des données à déjà été de dresser une liste des paradis fiscaux qui n’oublie ni la pléiade d’îles chapeautés par la City londonienne, ni l’État américain du Delaware, montrant que ceux-ci ne se réduisent pas à quelques territoires exotiques mais qu’ils sont implantés au cœur du système financier, dont ils sont partie intégrante. On a déjà eu un aperçu de ce qu’il en est en au sein de la zone euro.
La réponse à trois questions permettra en fin de compte d’évaluer l’ampleur des « pas de géant » qui sont en train d’être accomplis, selon le ministre français Pierre Moscovici. Son homologue britannique George Osborne annonçant « nous allons débusquer les fraudeurs » pour ne pas être en reste.
– L’opacité offerte par les trusts et autres paravents juridiques va-t-elle être dissipée ?
– Les législations fiscales vont-elles être revues afin de les homogénéiser et de combler les failles permettant aux fraudeurs et à leurs conseillers d’abriter derrière la légalité l’optimisation fiscale ?
– Les innombrables filiales des entreprises dans les paradis fiscaux – dont celles des banques – vont-elles devoir fermer ?
Un nouvel éclairage saisissant vient d’être apporté au Royaume-Uni, après les premières révélations sur l’optimisation fiscale des entreprises et l’évasion fiscale des particuliers. L’organisation ActionAid vient de publier une étude mettant en évidence que les 100 plus importantes entreprises britanniques disposaient de 8.311 filiales ou co-entreprises (joint ventures) dans des territoires fiscalement accueillants, selon une liste extensive comprenant y compris l’État américain du Delaware et l’Irlande. Seules deux d’entre elles n’en posséderaient pas. A elle seule, la banque Barclays en posséderait 120 ; elle figure avec les trois autres grandes banques britanniques (Lloyds, HSBC et Royal Bank of Scotland) dans les 10 premiers de la liste établie en fonction du nombre décroissant de filiales.
La généralisation de la pratique se passe de commentaires, comme le chiffre de 120.000 sociétés opaques figurant dans les fichiers divulgués dans le cadre de l’OffshoreLeaks, ou celui de 21.000 milliards de dollars, le montant des fonds déposés dans les paradis fiscaux selon l’ICIJ. L’estimation de Tax Justice Network est de 20.000 à 30.000 milliards de dollars. Singulier éclairage sur l’allocation des ressources financières mondiales !