Billet invité.
Enrico Letta, le président du conseil italien, tente de se donner des marges de manœuvre nationales qui passent par un assouplissement de la politique européenne. Il a choisi le chômage des jeunes comme angle d’attaque, en vue du prochain sommet européen de juin qui l’a inscrit à son ordre du jour, et a trouvé un allié en Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, pour travailler de concert dans un groupe de travail chargé de mettre au point des « mesures concrètes », car il serait selon lui « impardonnable » de ne pas y parvenir et de s’en tenir à une « conclusion bureaucratique ». Il faut, au moins à titre symbolique, décrocher quelque chose au Conseil européen afin de crédibiliser l’idée qu’un tournant est en cours et va s’approfondir, car la révolte gronde constatent chez eux les nouveaux partenaires.
Si les spéculations sur ce tournant vont bon train, elles reposent sur pas grand chose. A contrario, la déclaration d’Olli Rehn refusant d’accorder à l’Italie la souplesse que d’autres pays viennent d’obtenir a fait l’effet d’une douche froide : pas question de lui permettre de sortir de la procédure d’infraction pour déficits excessifs si le taux de 3% devait être dépassé, après avoir baissé de 4 à 3% l’an dernier. Or les mesures de relance annoncées par Enrico Letta sont évaluées à 10 milliards d’euros, en face desquels aucune économie n’a été annoncée.
L’union bancaire est un sujet tout trouvé pour les effets d’annonce à venir, que l’assouplissement formel de la position de Wolfgang Schäuble à l’occasion de sa dernière rencontre avec Pierre Moscovici à Berlin annonce : il ne ferait plus d’un changement de traité le préalable à sa réalisation complète. Mais, à y regarder de plus près, la mise en œuvre des moyens d’intervention financiers prévus (un système d’assurance) est toujours repoussée aux calendes grecques. Jeroen Dijsselbloem a expliqué que le projet n’était pas prioritaire, prenant le contre-pied des gouvernements espagnol, français et italien. On est bien dans l’effet d’annonce.
Il n’est plus question d’abonder d’une quelconque manière un fonds commun, mais d’harmoniser les règles de résolution des crises bancaires et d’utiliser les capacités limitées du mécanisme de stabilisation européenne (MES). Les 80 milliards d’euros prévus à cet effet sont à comparer avec les estimations des besoins de recapitalisation du système bancaire de la zone euro, qui varient entre 500 et 1.000 milliards d’euros. Ce qui supposerait vite, afin de rester dans cette enveloppe, d’appliquer le modèle chypriote, et de mettre en priorité à contribution (dans l’ordre) les actionnaires, les créanciers obligataires et les gros déposants. Mais ce schéma sera-t-il appliqué, le nez sur l’obstacle, une fois ses effets systémiques évalués, étant donné la forte interconnexion des acteurs financiers ? Pour l’instant, il est politiquement confortable, et c’est ce qui prime. Plus tard, on verra bien !
Comme toujours prévisibles, les dirigeants européens sont rarement l’occasion de bonnes surprises.