L'actualité de demain : AU RAYON BRICOLAGE, A DUBLIN, par François Leclerc

Billet invité.

Réunis à Dublin, les ministres des finances vont courir beaucoup de lièvres à la fois avec le risque de n’en attraper aucun. Un premier gros dossier les attend, celui de la sortie qui se voulait exemplaire du Portugal et de l’Irlande de leurs plans de sauvetage. Comme d’habitude, cela s’annonce une fois de plus bidouillage et compagnie.

A la manière des banquiers qui traitent ainsi leurs débiteurs insolvables, les deux pays devraient bénéficier d’un très substantiel allongement de leurs délais de remboursement, on parle même de sept ans supplémentaires. L’objectif est de diminuer leurs besoins de financement annuels et de faciliter leur retour sur le marché. Mais il est craint que cela ne suffise pas. Même bénéficiant d’un tel assouplissement, le Portugal devrait faire face à des besoins de financement très élevés et ses timides essais en direction du marché n’ont intéressé que des hedge funds en quête de bonnes affaires. Ce n’est pas avec cette clientèle qu’ils iront loin. Un nouveau sauvetage se profile à l’horizon.

Dans le cas de l’Irlande, le dispositif pourrait être différent. Il est est question d’une ligne de crédit de précaution qui pourrait être accordée par l’Union européen et le FMI, moyennant mesures renouvelées de rigueur (comme dans le cas du Portugal), ou bien la mise en oeuvre d’un programme OMT de la BCE, qui permettrait d’acheter la dette irlandaise. Mais il faudrait arrondir les angles à propos des conditions d’éligibilité à ce programme, qui prévoient un retour préalable sur le marché !

Un autre sauvetage doit être bouclé, celui de Chypre, avant qu’il ne subissent son dernier examen : celui du Bundestag. On ne peut pas dire que la clarté règne dans les comptes qui sont présentés. Les besoins de financement du pays ont brutalement augmenté de 5 milliards d’euros. Toute cette restructuration bancaire baigne dans une épaisse fumée ! Le gouvernement chypriote va dans l’immédiat présenter une demande d’aide supplémentaire ; sans elle, l’option d’une sortie de l’euro à la suite d’un défaut sera irrésistible.

La « méthode chypriote », ou plutôt celle du bail-in, fait l’objet d’intenses consultations, la préparation du projet de directive européenne à ce propos connaissant un grand coup d’accélérateur, car il se précise que cela va devoir servir. C’est la conséquence directe du refus allemand de concrétiser l’union bancaire telle qu’elle avait été initialement conçue : une autre source de financement de la mutualisation des concours des banques européennes doit être trouvée.

Selon un diplomate chypriote, il y aurait « un énorme malentendu » suite au haut le cœur provoqué à Dublin par les propos de Nico Anastadies, son président. Ce ne sont pas des fonds que celui-ci aurait demandé, en parlant d’une « aide supplémentaire », mais une aide renforcée pour trouver les 5 milliards manquants pour boucler le sauvetage… Cela promet.

Une solution privilégiant le sauvetage national des banques est donc recherché. Elle est dans son principe trouvée, s’appuyant sur un bail-in en priorité, puis faisant appel aux fonds publics dans le cas où cela ne suffit pas. C’est seulement dans une troisième étape qu’un appel au Mécanisme européen de stabilité (MES) pourrait être lancé. Mais ce plan est scabreux avant même d’avoir été adopté, car on devine que les créanciers, qu’ils soient obligataires ou déposants, n’attendront pas pour fuir qu’un bail-in soit décrété, en particulier les non-nationaux. Le bail-in ne suffira pas et les États seront à nouveau mis à contribution, augmentant leurs déficits.

Restera, si le temps le permet, de trouver une solution pour les banques slovènes. Il est par contre établi que les dernières statistiques sur l’emploi ne seront pas examinées par les ministres en séance plénière : près de 60% des jeunes Grecs n’ont pas de travail et le chômage italien atteint 22,3% si l’on prend en compte les travailleurs qui n’en cherchent même plus et ne sont pas comptabilisés dans les statistiques officielles. Pas loin des 27,2% grecs. L’émigration bat son plein dans la jeune génération, est-ce bien le moment de supprimer des emplois dans les paradis fiscaux ?