Billet invité.
Les leçons du sauvetage de Chypre n’arrêtent pas d’être tirées. L’irréalisme des objectifs fixés au gouvernement par la Troïka par le MOU (memorandum of understanding) dont les grandes lignes sont connues est la dernière en date : un nouveau plan est tiré sur la comète qui n’a pas d’autre avenir que d’être revu lorsqu’il ne pourra plus être évité. On connait la chanson.
Est-ce à dire que leurs auteurs sont particulièrement aveugles ? Non, la raison est qu’ils n’ont pas le choix, n’ayant pas de politique de rechange. Il leur faut affirmer envers et contre tous que la politique qu’ils préconisent fonctionne. On voit également l’illustration régulière de la même attitude lorsque paraissent les énièmes prévisions économiques pour l’Europe de l’OCDE, de la Commission ou du FMI, qui toutes, invariablement, reconnaissent une mauvaise année et prédisent un mieux pour l’année d’après, puis recommencent selon le même schéma.
Sans qu’il soit nécessaire de dresser une longue liste de données toutes aussi mauvaises les unes que les autres, pays par pays ou bien pour la zone euro et le Royaume-Uni, on assiste à une longue détérioration de la situation économique. Nous sommes entrés dans une récession qui, contrairement à la précédente, s’annonce devoir durer et s’approfondir. Simultanément, en Grèce, au Portugal et en Irlande (en attendant que ce soit également le cas à Chypre) les prévisions de réduction du déficit – ce critère élevé au rang d’absolu – doivent être revues. C’est aussi le cas en Espagne, où les contraintes de la rigueur ont été adoptées sans que l’aide financière ait été accordée.
Aujourd’hui, l’Espagne et l’Italie sont en même temps au bord du trou, alors que le gouvernement français ne parvient pas à rester dans le cadre qu’il s’est lui-même donné. Rien ne va plus. Deux lourdes épées de Damoclès sont au-dessus des têtes : la BCE n’est pas certaine de trouver en face d’elle une autorité politique en mesure de respecter les conditionnalités auxquelles son programme OMT est soumis, la menace de sorties massives de capitaux des pays où le modèle chypriote pourrait être appliqué n’est pas à prendre à la légère.
Dernier signe de la détérioration de la situation : les banques centrales des pays développés réduisent leurs positions en euro. Plus significatif encore, la Chine et le Brésil viennent de signer un accord de swap entre leurs deux monnaies de 30 milliards de dollars, leur permettant de n’utiliser pour leurs relations commerciales ni le dollar, ni l’euro. Mais le verrouillage de toute réforme du système monétaire international empêche d’agir dans ce domaine…