Billet invité.
À bien y regarder, Chypre est-elle un cas unique en Europe ? Certainement pas si l’on considère les facilités offertes aux entreprises afin qu’elles optimisent leur fiscalité ! Il suffit pour s’en convaincre de pointer du doigt l’Irlande et les Pays-Bas. Et quant à son statut de paradis fiscal, l’île le partage avec d’autres pays au sein même de la zone euro, à commencer par le Luxembourg qui a été dans le groupe des pays fondateurs.
C’est néanmoins cet argument qui est utilisé pour affirmer que les modalités de son sauvetage ne seront pas répétées. On peut pourtant croire qu’il n’en est rien et que la mise à contribution des actionnaires et créanciers des banques va se poursuivre afin de renflouer des systèmes bancaires cassés, les États n’en ayant plus les moyens.
Cela a déjà commencé en Espagne, où seules Santander et BBVA sont épargnées du naufrage, les injections de capitaux en cours n’ayant pas remis à flot toutes les autres banques, comme la chronique quotidienne de leur sauvetage raté le met en évidence. Le cas des banques italiennes est plus masqué, mais, signe qui ne trompe pas, elles continuent d’être tenues à bout de bras par la BCE, comme leurs consœurs espagnoles. Dans le cas de la Grèce, enfin, où elles sont renflouées via l’État, on sait qu’un nouveau plan de sauvetage de ce dernier est inévitable, comme Wolfgang Schäuble l’a tout dernièrement admis.
Le gouvernement allemand ayant – contrairement à François Hollande qui en a réaffirmé à contre-temps le principe – proscrit toute recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui est lui-même financé par les États, que reste-t-il d’autre comme solution en magasin si ce n’est celle qui a été adoptée à Chypre ? Mais une telle solution n’est pas sans danger, car elle incite à anticiper son application et à une fuite des capitaux des banques des pays où elle pourrait intervenir. Renouvelant l’épisode précédent qui ne s’est que progressivement calmé mais peut repartir à la première occasion.
Que restera-t-il alors d’autre à faire que d’instaurer des restrictions aux mouvements des capitaux afin d’éviter l’effondrement des banques, sur le mode de ce qui est engagé à Chypre ? De telles mesures contreviennent aux principes du marché unique et ont pour logique de détricoter la construction européenne. Telle est toutefois la voie sur laquelle les dirigeants européens sont bon gré mal gré engagés. Le prix à payer pour s’être fourvoyés dans une impasse sous la pression de leurs banques en préconisant un désendettement prioritaire des États tout en ne voulant pas voir l’état du système bancaire européen. Celui-ci se révèle tardivement mais surement.
Aujourd’hui, ils doivent y revenir mais ont largement épuisé leurs cartouches. N’ayant plus les moyens de financer sur fonds publics le sauvetage des banques, le gouvernement allemand refusant par ailleurs sa mutualisation via la constitution d’un fonds de solidarité au sein de l’union bancaire. Cette dernière option serait-elle débloquée que l’on est d’ailleurs en droit de s’interroger sur la capacité d’un tel mécanisme à faire face aux besoins de financement sans avoir recours aux finances publiques, à moins qu’un nouveau guichet ne s’ouvre opportunément à la BCE…