Billet invité.
Une grande confusion règne, le plan B péniblement bâti par les dirigeants chypriotes ayant été retoqué par Angela Merkel, qui ne veut pas entendre parler d’une utilisation des fonds de retraite prévue pour financer le « fonds de solidarité nationale ». Le gouvernement de Nicosie est le dos au mur, mais les dirigeants européens le sont tout autant. C’est le moment que choisit Dmitri Medvedev, en embuscade, pour déclarer que la Russie ne ferme pas la porte à une aide à Chypre, préférant traiter de la question directement avec l’Union européenne qu’avec Chypre. Ni les Russes ni les Européens ne la fermant, il ne leur reste qu’à trouver ensemble une issue, alors que le gouvernement chypriote joue avec le feu et la banque Likia, qui craint d’être restructurée lui demande de revenir d’urgence au plan précédent ! Rien n’est simple ! Le porte-parole du gouvernement, dont une intervention était attendue avec impatience s’est contenté de déclarer que « les prochaines heures seront décisives pour Chypre », sans répondre aux questions des journalistes.
Afin de mieux comprendre comment il a pu être possible d’en être arrivé là, il n’est pas inutile de se souvenir que la déstabilisation des banques chypriotes a été la conséquence directe de la restructuration de la dette grecque, à laquelle elles étaient très exposées, et que cette affaire traînait depuis des mois. Il faut désormais la résoudre à chaud, dans les plus mauvaises conditions.
Comment faire croire, en effet, que le business model de chypre reposant sur le lavage de l’argent sale et l’optimisation fiscale est une révélation (qui n’a fait obstacle ni à l’adhésion du pays à l’Union européenne en 2004, ni à l’entrée dans la zone euro en 2008) ? N’y a-t-il pas quelque mauvaise foi à mettre en avant, comme vient de le faire Wolfgang Schäuble, la taille démesurée du secteur financier par rapport au PIB de l’île, car si ce critère devait être retenu le pays européen figurant en haut de la liste serait… le Luxembourg, dont le statut de paradis fiscal n’est un secret que pour l’OCDE et l’Union européenne ?
On serait certes malvenu de faire reproche de cette nouvelle et tardive lucidité, qui a un peu tardé à émerger après les crises islandaise, irlandaise et espagnole. Le surdimensionnement du secteur financier est en effet un problème majeur et général. Mais la question est maintenant posée : comment le réduire (dans le cas de Chypre de moitié), puisqu’il est reconnu si dangereux ? Il est fait état du caractère unique du cas chypriote, comme d’habitude, pour justifier des mesures qui ne se renouvelleront pas et qui pour l’instant continuent de faire débat. Et le statut de paradis fiscal a bon dos pour les justifier.
La solidité des banques chypriotes coupables des pratiques de blanchiment reposait sur de la dette souveraine et des dépôts, précisément ce que la réglementation Bâle III exige pour renforcer les fonds propres, par quoi faut-il donc les remplacer, puisqu’ils sont désormais à risque ? Il ne reste que les actionnaires et les créanciers obligataires, comme on vient de le comprendre !
Comme il est de règle, la solution préconisée pour Chypre est de faire supporter à l’État le coût du renflouement des banques. Mais une telle approche se heurte désormais – et on a bénéficié ici de l’expérience des précédents plans de sauvetage – à un sérieux obstacle : la capacité de ces banques à rembourser les sommes qui leur seront avancées, cet la question de leur solvabilité es posée, c’est ce qui a conduit les dirigeants européens à plafonner à 10 milliards d’euros leur prêt et qui a nécessité de trouver le complément en taxant les dépôts. Comment faire croire que cette configuration ne se reproduira pas ?
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