L'actualité de la crise : CES JOURS QUI VONT ÉBRANLER L'EUROPE, par François Leclerc

Billet invité

Dans sa configuration élargie, la course a commencé par une période de surplace, comme pour des pistards qui porteraient les dossards de l’Union européenne et de la Russie. Chacun va observer l’autre à l’occasion de la visite programmée de longue date de José Manuel Barroso. Le gouvernement chypriote va de son coté étaler ses petites misères comme à l’occasion d’un vide-grenier, mais il n’en tirera pas les recettes escomptées.

Le rôle fonctionnel que joue Chypre pour l’économie russe a été sous-estimé, ramené à de simples opérations d’oligarques véreux en mal de farniente sur les plages ensoleillées. Comme l’a souligné Dmitri Medvedev, des entreprises publiques sont également actives dans l’île ! Le gouverneur de la banque centrale chypriote a traduit cette situation en déclarant que les liens économiques entre les deux pays étaient « sains ». La distinction entre argent sale et propre est en réalité impossible à opérer, à l’image de ce qu’est l’économie russe, tout le problème est là, et les uns et les autres vont devoir le traiter.

Ce qui, fort de cet exemple, conduit à une réflexion plus générale sur l’interpénétration des capitaux de toutes natures (l’agent n’a pas d’odeur) et les liens qui unissent la finance « formelle » avec celle de l’ombre, car le cas russe n’est pas un cas d’espèce.

Jusqu’à mardi matin, les banques chypriotes seront fermées. En attendant, les spéculations qui allaient bon train sont stoppées : la BCE a réaffirmé qu’elle allait arrêter son soutien aux banques chypriotes lundi prochain (jusqu’au prochain épisode, ne vont pas manquer de penser certains). Les autorités européennes sont quant à elles placées devant un problème inédit : peuvent-elle accepter de voir leur autorité pour la première fois bafouée, après avoir su gérer les cas de Georges Papandréou et de Silvio Berlusconi, alors qu’un gouvernement de la zone euro cherche refuge auprès de la Russie ? Elles sont en train de payer le prix de leur incapacité à réaliser l’union bancaire qu’elles avaient annoncée.

À l’horizon se profile une sortie en catastrophe de l’euro de Chypre, dont les effets ne sont pas prévisibles, car elle mettrait sans équivoque en évidence que les dirigeants européens ne sont pas capables de gérer la situation. Toute solution de fortune, si elle peut intervenir, aura des conséquences en profondeur.

Chypre est l’exemple même d’une situation qui dérape pour ne pas avoir été anticipée et traitée solidairement au sein de la zone euro, les dirigeants européens trop confiants dans leur capacité d’improviser une fois de plus une solution de dernière minute. Le rôle fonctionnel des paradis fiscaux qui a été occulté afin de ne pas être traité réapparaît pour sa part en force.

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VIENT DE PARAÎTRE « LA CRISE N’EST PAS UNE FATALITÉ, 280 pages, 13€.