L'actualité de demain : LE MAL EST FAIT ! par François Leclerc

Billet invité

Il aura fallu neuf mois aux dirigeants européens pour accoucher d’un grand gâchis aboutissant à une belle pagaille dans toute l’Europe, en attendant la suite. À tel point que les déclarations se succèdent pour se défausser de toute responsabilité, les dernières en date provenant de Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, et de Jörg Asmussen de la BCE. Pierre Moscovici, le ministre français, a fait valoir qu’il avait plaidé l’exonération des déposants en dessous de 100.000 euros. Le compte-rendu donné par le Wall Street Journal, ne confirme pas ces versions.

Pour parachever le tout, l’Eurogroupe s’est finalement fendu hier soir d’un communiqué – adopté à l’unanimité selon Pierre Moscovici – s’en lavant les mains, se posant tardivement en protecteur des petits déposants, et réaffirmant surtout le principe d’une assurance pour les dépôts inférieurs à 100.000 euros. À charge pour Nicos Anastasiades, le président chypriote, de résoudre l’équation. Celui-ci doit tout à la fois obtenir un vote du parlement – qui ne se présente pas bien – et éviter les foudres des Russes, qui sont atteints bien au-delà de ce que représentent les pertes occasionnées par la taxation des gros dépôts qui sera finalement décidée, si c’est le cas ! Le nouveau plan prévoit d’exonérer les dépôts en dessous de 20.000 euros et de laisser inchangée la taxation des dépôts de 20.000 à 100.000 euros, puis au-delà.

Le système bancaire chypriote n’est pas seulement une grande lessiveuse de leur argent sale, il est également l’instrument d’une optimisation fiscale sans pareil (les deux se recoupent). Ce qui explique le soutien financier du gouvernement russe à Nicosie, ainsi que celui des banques russes aux banques chypriotes, qui posent désormais problème. Le gouvernement chypriote a besoin de rouler sa dette à l’égard du premier et d’obtenir un second prêt et les banques russes craignent pour leurs créances dans les banques chypriotes. Car il leur avait fallu les solidifier en raison de la décote de la dette grecque à laquelle elles étaient abondamment exposées. Pire que cela, l’interruption des flux entre la Russie et Chypre coupe un lien financier fonctionnel et ne peut pas se poursuivre longtemps. Michalis Sarris, le ministre chypriote des Finances se rend aujourd’hui à Moscou, des jets privés russes et ukrainiens ont atterrit sur l’aéroport de Larnaca…

L’Institute of International Finance, qui ne dédaigne pas de jouer les sages et les juges de paix (comme du temps de la grande truanderie) y a été de son commentaire « C’est un précédent incroyablement dangereux » (Tim Adams, le directeur général). Un élément d’incertitude de plus a été introduit dans une situation qui n’en manque pas. L’Europe entière résonne de ce qui est ressenti comme un vol de plus. Dans tous les pays où le système bancaire est le plus atteint, comme en Espagne, en Italie et au Portugal, les déclarations fusent pour le présenter comme des plus solides, une dérisoire ligne de défense. Quoi qu’il se passe, quoi qu’on en dise, le mal est fait.

PS : Une restauration partielle progressive de l’alimentation électrique est en cours à Fukushima.

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VIENT DE PARAÎTRE « LA CRISE N’EST PAS UNE FATALITÉ, 280 pages, 13€.