Billet invité.
Le sommet européen s’ouvre précédé de deux annonces symboliques : l’objectif de l’équilibre budgétaire allemand en 2015, avec un an d’avance, et l’adoption par la Bundesbank de très confortables provisions pour pertes destinées à mettre en évidence qu’un énorme effort a été consenti par l’Allemagne et qu’elle est désormais aux taquets. Comme le titre le Financial Times : « L’Allemagne défie l’appel à la relance ». Reste aux dirigeants européens à en trouver les moyens dans le cadre d’un sommet que le président de l’Union européen, Herman Van Rompuy, a annoncé comme allant être « un peu ennuyeux », avec comme commentaire supplémentaire que « ce n’est pas une mauvaise chose »…
La raison en est que la question de Chypre – petit caillou, mais plaie douloureuse est l’image qui circule partout – ne serait pas formellement abordée durant le sommet. Et pour cause ! Seuls 10 milliards d’euros pourraient être dégagés pour être prêtés, sur des besoins estimés à 17,7 milliards. Le reste est à trouver, au moins sur le papier, aux bons soins du génie créatif des experts… La mission de la <Troïka en Grèce a ajourné ses travaux, qui sont reportés à une date non précisée, aucun accord n’ayant pu être dégagé avec le gouvernement. L’accélération des privatisations (le 3éme directeur successif de l’agence chargé de les opérer vient de démissionner), la recapitalisation des banques (qui touche aux intérêts des grandes familles) et la suppression de 150.000 postes de fonctionnaires d’ici 2015 font partie de ses « mesures techniques », comme les a présentées Antonis Samara, qui restent à régler. La dernière de celles-ci est susceptible de faire éclater la coalition gouvernementale et d’en rajouter à la crise politique européenne. L’Institute of international finance (IIF), appelle de son côté à « une réduction plus modérée du déficit budgétaire », c’est à dire à l’allégement des mesures de rigueur, ainsi qu’à « un soutien financier supplémentaire qui prendrait la forme d’un nouvel abaissement des taux d’intérêt pour les amener plus près encore des taux de financement historiquement bas [de la BCE] ». Au Portugal, la Troïka présentera demain les résultats de sa mission, mais il est déjà acquis qu’un délai supplémentaire va pour la deuxième fois être accordé au gouvernement pour rembourser son aide, les objectifs de réduction du déficit n’étant pas atteints en raison de la récession.
Mais ce ne sont que des broutilles, comparé à l’échec de Mario Monti sur qui il était tant compté pour écarter le danger en Italie. Les dirigeants européens retiennent leur souffle et font silence devant des développements qui leur ont échappé des mains. La carte maitresse d’Angela Merkel a été jouée et perdue. En ordre dispersé et suivant l’occasion du moment, des initiatives populaires apparaissent : dans les rues d’abord, puis lors d’élections comme en Italie, ou bien plus modestement mais de manière incisive à l’occasion d’un referendum en Suisse, ou bien d’un autre qui s’annonce en Catalogne. Deux sont dans les tuyaux, l’un portant sur l’indépendance (également expression d’une révolte des riches qui ne veulent pas partager), l’autre à propos de l’instauration d’un revenu mensuel de 664 euros pour ceux qui n’ont plus de ressources, reprenant une des revendications du Mouvement 5 étoiles en Italie, alors que le débat sur un salaire minimum garanti, où il n’existe que par branches d’activités, se poursuit en Allemagne (ne concernant par définition que les salariés).
Plus surprenants sont les commentaires du président de la commission parlementaire britannique présidée par le conservateur Andrew Tyrie. A propos du projet de loi de séparation des activités bancaires qui est venu à l’ordre du jour de la Chambre des communes, il a déclaré que les arguments du gouvernement étaient « inconsistants » lorsqu’il a rejeté les propositions de la commission d’aller plus loin et de permettre « une séparation complète » de l’ensemble du secteur bancaire et non pas au cas par cas… Quelques migraines sont à attendre lorsqu’il va falloir rendre homogène les régulations britannique, allemande et française, cette dernière en cours d’amendement au Sénat.