Billet invité
Les dirigeants européens tentent de ralentir encore la course de lenteur qu’ils ont engagée. Le Portugal et l’Irlande viennent de se voir accorder des délais – qui doivent encore être précisés en avril – pour le remboursement des prêts qui leur ont été consentis dans le cadre de leurs plans de sauvetage, après que l’Espagne a obtenu une modification de ses objectifs de réduction du déficit public, et en attendant que la France suive cette même voie. En soulageant le Portugal et l’Irlande, les autorités européennes cherchent à créer les conditions de leur retour sur le marché pour s’en prévaloir, ayant besoin de ce qu’elles pourraient présenter comme un succès. Mais elles maintiennent parallèlement la pression pour que la rigueur budgétaire soit accentuée.
C’est en Italie que la situation leur échappe le plus dangereusement, sans pouvoir y faire grand-chose. La recherche d’une formule gouvernementale n’avance pas, le Mouvement 5 étoiles repoussant les avances du Parti démocrate et celle d’un gouvernement technique réapparaissant en désespoir de cause, Beppe Grillo revenant ensuite sur l’hypothèse un instant acceptée du vote de la confiance à un gouvernement de ce type. C’est l’impasse.
Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung a tiré un signal d’alarme, relevant que les taux d’intérêt payés par les petites et moyennes entreprises italiennes et espagnoles divergeaient de plus en plus avec ceux de leurs homologues allemandes (respectivement de 5,8 %, 6 % et 3,5 %). En tirant comme conséquence qu’en dépit de la détente du marché de la dette souveraine attribuée au succès de l’annonce du programme OMT de la BCE, le coût du crédit pour le secteur économique essentiel des PME augmentait en Europe du Sud. En d’autres termes, que la fragmentation monétaire se poursuivait et que la cohésion de la zone euro se détériorait.
Imperturbablement, les représentants de la Troïka maintiennent leurs exigences à la faveur de leurs missions en Grèce et au Portugal, tandis que le gouvernement espagnol cherche à échapper aux nouvelles hausses d’impôts et mesures de rigueur que la Commission européenne attend de lui. Eurostat confirme que le PIB de la zone euro a diminué de 0,9 % durant le dernier trimestre 2012 et qu’il devrait diminuer de 0,3 % en 2013, moyennes qui ne rendent pas compte des grandes disparités de situations au sein de la zone. L’inflation a ralenti, passée pour la zone euro à 1,8 % en février alors qu’elle était de 2,7 % le même mois de l’année passée, en dépit des hausses intervenues dans l’énergie. Le taux de chômage est monté fin janvier à 11,9 % de la population active mais à 27 % en Espagne et en Grèce. Dans ces pays, ainsi qu’en Irlande et au Portugal, les jeunes émigrent en masse là où ils peuvent étant donné le chômage massif qui les frappe et l’absence de toute perspective.
Une lente désagrégation est en train de s’opérer. Si l’Italie devait à son tour demander de l’aide, les capacités du Mécanisme européen de stabilité n’y suffiraient pas, sans même tenir compte du fait que le pays en est le troisième actionnaire par ordre d’importance (au prorata de son PIB), garant à ce titre des emprunts qui devraient être effectués pour l’aider à se financer ! Pour bénéficier de l’activation du parapluie de la BCE, l’Italie devrait répondre à une double exigence : qu’un gouvernement soit constitué et qu’un train de mesures de rigueur soit adopté…
Ah, s’il suffisait de faire le gros dos !