Billet invité.
À la recherche d’une ouverture favorisant une relance salvatrice, les dirigeants européens se trouvent devant porte close. L’adoption du budget européen va se solder par un manifeste manque de moyens à cet effet, et le G20 finances de cette fin de semaine va déboucher sur la réaffirmation qu’il faut laisser faire le marché pour que s’établisse la parité des monnaies, tout le contraire de ce qui est en train de se passer.
Un communiqué du G7 où participaient les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales ferme dès aujourd’hui le débat avant qu’il ne soit ouvert. Soulignant le risque d’une « volatilité excessive et de mouvements désordonnés dans les taux de change », il préconise des consultations « étroites » et une coopération « appropriée », réaffirmant toutefois que « nos politiques budgétaires ont été et resteront orientées vers nos objectifs nationaux respectifs en utilisant des instruments nationaux »…
On a assisté sur cette question à une véritable surenchère théologique qui masque des intérêts bien compris et des interventions indirectes fort peu orthodoxes sur le marché monétaire, aboutissant à prendre en tenailles l’euro entre le dollar et le yen. La palme de l’hypocrisie revenant aux autorités américaines qui ont tiré les premières et viennent d’appeler à « éviter les dévaluations compétitives », tout en jouant un dollar faible, résultat des achats massifs de la Fed. La Chine était depuis longtemps montrée du doigt, coupable de sous-évaluer sa monnaie, c’est au tour du Japon d’être stigmatisé, qui cherche à soutenir ses exportations.
En Europe, la Bundesbank défend l’orthodoxie, ce qui tombe bien car les Allemands ont intérêt à régler la facture de leurs importations avec un euro fort. Jens Weidmann dénonce « la politisation » des taux de change qui risque selon lui d’encourager l’inflation et de conduire à une sous-évaluation de l’euro, de mettre en cause l’indépendance des banques centrales et de distraire les États de leurs « réels » enjeux. Les tentatives françaises de peser sur la parité de l’euro tournent court devant un tel amoncellement de menaces, Pierre Moscovici ne pouvant qu’appeler à « ouvrir un débat » et à la « coordination », tout en se défendant de vouloir faire pression sur la BCE. Un débat théologique, décidément ! au sein duquel François Hollande a soulevé la question tabou de la réforme du système monétaire international, mais sans plus insister et donner de piste.
Une deuxième porte est en train d’être fermée, avec pour ferme intention de continuer à faire porter le poids de la crise bancaire sur des États sommés de réduire leurs déficits. Ernst & Young éclaire cette perspective en rendant publique une étude selon laquelle le montant des actifs douteux détenus par les banques de l’Union européenne a atteint 920 milliards d’euros fin 2012, en progression de 80 milliards d’euros sur l’année passée, prévoyant comme avenir pour ces actifs de se retrouver dans des bad banks, dont le poids financier reposera sur les États, peut-on rajouter.
Pendant ce temps, les discussions se poursuivent au sein de l’Eurogroupe à propos de l’aide directe du Mécanisme européen de stabilité (MES) aux banques, les dirigeants allemands freinant des quatre fers. Différentes formules sont à l’étude, qui ont toutes en commun de faire reposer une grande partie du risque sur les États après partage de celui-ci avec les banques. Dans le même esprit, la perspective de la création d’un fonds de renflouement abondé par les banques au sein de l’union bancaire est abandonnée.
Résultat, tout appel d’air est proscrit d’un côté, tandis que la barque est chargée de l’autre. Le plan « A’ » est en panne, toute marge de manœuvre barrée, tandis que la crise européenne couve. Elle atteint sa dimension politique avec le scandale affectant le Partido popular en Espagne et la menace qui se renforce d’un retour au pouvoir de Berlusconi – qui promet des merveilles qu’il ne tiendra pas – à la faveur des prochaines élections italiennes !
En France, la Cour des comptes reconnaît du bout des lèvres que l’objectif d’un déficit de 3% en 2013 ne sera pas tenu et appelle à de nouvelles coupes budgétaires, déplorant les augmentations d’impôt. Michel Sapin, le ministre du travail, enjoint les salariés « en colère » à « privilégier le dialogue » avec les entreprises qui les licencient, dans l’intention d’éviter que l’État, qui ferme aussi la porte, ne soit sollicité…