Billet invité.
Faisons le point : tandis que Barack Obama propose un nouveau plan temporaire de réduction du déficit, afin d’éviter le couperet des coupes automatiques du 1er mars prochain, Shinzo Abe, le premier ministre japonais, tente une nouvelle fois de sortir son pays de la trappe à liquidité en faisant déverser par la Banque du Japon dans celle-ci… de nouvelles liquidités. De son côté, François Hollande voudrait obtenir de la BCE, sans pouvoir ni le dire ni l’obtenir, une action favorisant la baisse d’un euro fort subissant les effets de la guerre des monnaies et faisant obstacle aux exportations françaises, tandis que Mario Monti tente de sauver les maigres crédits européens d’une hypothétique relance dans le cadre d’une épineuse négociation budgétaire européenne. Tous recherchent des marges de manœuvre et tentent comme à l’accoutumée de gagner du temps. On a la stratégie des objectifs que l’on se donne, avec les résultats que l’on peut.
La seule promesse qui vaille désormais étant celle d’une longue période de sacrifices, comment faire croire qu’ils vont être partagés, et que l’impunité, c’est fini ? Quel va être le prix de la part du feu ? Là n’est certes pas la seule raison de ce que l’on observe, mais ce calcul n’est pas absent. La saga du Libor, entretemps devenue aussi celle de l’Euribor et depuis peu du Tibor (au Japon), alimente la chronique des lourdes amendes qui se succèdent sous les motifs les plus divers, pouvant anticiper de peines de prison pour les exécutants. Après Barclays et UBS, Royal Bank of Scotland doit payer son écot et l’on attend une suite qui ne saurait tarder. Tandis que le projet de réforme de la procédure de la fixation quotidienne de ces indices déterminants de l’activité financière, toujours confiée aux banques privées, laisse intact le conflit d’intérêt dont on a pu apprécier les effets.
Il aura fallu du temps, mais ça y est ! Le gouvernement américain vient de porter plainte contre Standard & Poor’s pour ses notations trompeuses des produits dérivés des crédits hypothécaires intervenues entre 2004 et 2007. L’agence ayant beau jeu de se prévaloir pour sa défense des avis de responsables de l’administration américaine estimant en 2007 que les problèmes sur les marchés des subprimes étaient maitrisés.
Les enquêtes qui viennent de débuter à propos de la banque Monte dei Paschi di Siena (MBPS) montrent que s’engager sur un tel terrain n’est pas toujours sans danger : elles risquent dans le cas présent de révéler des pratiques de corruption et de financement de la politique, qui datent de 2008, et d’atteindre la Banque d’Italie et son président de l’époque Mario Draghi, en dépit des efforts entrepris pour les protéger. Selon le Wall Street Journal, la banque centrale aurait accordé à MBPS, au moment du départ de ce dernier vers la BCE, en novembre 2011, un prêt de couverture de deux milliards d’euros depuis remboursé, dont nul n’avait jamais entendu parler. Cela n’a rien d’illégal en soi, mais confirme que la Banque d’Italie n’ignorait pas les manipulations financières destinées à masquer les pertes de la banque et qu’elle n’a rien fait d’autre que d’aider à les dissimuler.
Dans la série expédients et bouts de ficelle, pour revenir aux étroites marges de manœuvre dont disposent les dirigeants européens, le dernier épisode irlandais mérité d’être conté. Un pays donné en exemple – avec le Portugal, mais dont la fragilité financière reste intacte. Négociant depuis des mois avec la BCE un adoucissement de la dette contractée envers la Banque d’Irlande lors du sauvetage de l’Anglo Irish Bank, le gouvernent irlandais vient de mettre la BCE devant un fait accompli en décidant séance tenante la liquidation de la banque et le transfert à la NAMA (la bad bank irlandaise) de ses actifs. L’accord de rééchelonnement du remboursement des billets à ordre à 7 et 8 ans signés par le gouvernement n’a pas tardé : il est annoncé qu’ils seront convertis en obligations d’une maturité moyenne de 34 ans et leur taux baissera de 8 à 3%… En langage banquier, cela s’appelle rouler la dette.
Il n’est pas sans intérêt de relever qu’il a d’abord été annoncé que la décision de la BCE serait repoussée, certains gouverneurs devant consulter leur propre banque centrale avant de prendre position, selon l’Irish Independant. Les apparences sont sauves mais leur indépendance vis à vis de leur gouvernement ne tient plus qu’à un fil ! Sur le même terrain scabreux, François Hollande fait valoir que la politique de change européenne, prévue dans les traités, ne dépend pas uniquement de la BCE, à qui il ne s’agit pas « d’assigner de l’extérieur » un objectif, en tirant comme conclusion qu’il faut « engager l’indispensable réforme du système monétaire international, car sinon nous demanderons à des pays de faire des efforts de compétitivité qui seront annihilés par la valorisation de l’euro ». Mais ses intentions n’iront pas loin, le porte-parole d’Angela Merkel, Steffen Siebert, ayant fait valoir que l’euro n’était pas selon lui surévalué et que « la politique de change n’est pas un instrument adapté pour améliorer la compétitivité ». Mario Draghi a enterré tout espoir : la hausse de l’euro est selon lui le signe du retour de la confiance dans celui-ci, sans vouloir prendre en compte que ses effets ne sont pas les mêmes suivant les pays. Encore une porte qui claque !