Billet invité.
Davos, tribune d’élection des grandes déclarations ! Prenant la suite de Christine Lagarde, qui a proposé aux Européens de « prendre un peu plus de temps » pour réduire leurs déficits, Mario Draghi a constaté que, suite au redressement des marchés, « nous n’avons pas vu les mêmes progrès du côté de l’économie réelle, et c’est là que nous devons faire beaucoup plus ». Profitant du répit en cours, un nouveau cadre est ébauché, mais il repose sur des maquillages et des succédanés.
S’inscrivant dans celui-ci, Guido Westerwelle, le ministre allemand des affaires étrangères, a déclaré depuis Lisbonne que le Portugal voit enfin « la lumière au bout du tunnel ». Une vision que l’agence Fitch ne partage pas, en soulignant « qu’il reste des défis à relever avant que le Portugal ne revienne pleinement sur les marchés », tirant comme conclusion qu’il pourrait « avoir besoin d’une nouvelle aide financière et d’un nouveau programme ». John Corrigan, le responsable de l’agence de la dette irlandaise, déclare de son côté qu’il ne voit pas pourquoi l’Irlande ne pourrait sortir de son plan de sauvetage comme prévu, maniant avec une science consommée l’art de la double négation tout en négociant par ailleurs des mesures d’accompagnement.
Les dirigeants européens tentent comme déjà annoncé d’accréditer leur stratégie de désendettement en s’appuyant sur le succès que représenteraient des sauvetages présentés comme réussis, après le terrible échec grec. Un environnement permettant de l’afficher est actuellement à l’étude : les gouvernements irlandais et portugais ont déjà mangé le morceau, cherchant à s’appuyer sur l’activation du programme d’achats obligataires de la BCE, et n’envisageant de retourner sur le marché que selon la formule des prêts syndiqués ; est aussi étudié, dans le cas de l’Irlande, de lui accorder une ligne de crédit, un parachute bienvenu. L’annonce de cette sortie s’apparente donc à un habillage.
Le deuxième volet de la stratégie de communication qui prend corps concerne prioritairement l’Espagne, pays pour lequel Angela Merkel annonce un geste qui pourrait être décidé au sommet européen de juin prochain. L’objectif est d’appuyer le gouvernement espagnol dans ses efforts de réduction de son déficit, sans qu’il ait à demander d’entrer dans un plan de sauvetage, ce que le gouvernement allemand verrait d’un bon oeil. Cela représenterait également un satisfecit pour une stratégie de désendettement qui n’aurait même plus besoin de cette aide financière européenne.
Reconnaissant que les réformes structurelles prendront des années pour faire sentir leurs effets, la chancelière est préoccupée par le taux de chômage chez les jeunes Portugais, Grecs et Espagnols, qui se situe entre 50 et 60%, et voudrait « éviter une escalade de la situation politique qui menace de créer une nouvelle instabilité ». Elle suggère donc la création d’emplois provisoires, sans encore donner la clé de leur financement communautaire et une idée de son enveloppe. La presse espagnole confirme que les autorités européennes sont en train de mettre sur pied un programme d’appui aux pays exécutant des réformes et des ajustements fiscaux.
Un tel projet est confondant à un double titre. Il repose sur l’idée que quatre années difficiles sont au maximum à passer, selon la chancelière qui extrapole l’expérience allemande des lois Hartz, dans un contexte totalement différent. Il préconise par ailleurs un traitement social a minima de la crise avec des bouts de ficelle, à l’image des mesures ponctuelles prises ici et là contre le chômage, et s’inscrit dans le cadre du bouleversement en cours de la législation du travail, qui privilégie les contrats à durée déterminée et le temps partiel, et toutes les formes de soutien à l’emploi comme les « contrats aidés » en France. Dans cet esprit, le gouvernement espagnol vient d’annoncer une nouvelle prolongation de l’aide mensuelle de 400 à 450 euros aux chômeurs en fin de droit qui ont des charges familiales, ce qui exclut la plupart des jeunes du dispositif.
En fait de programme de relance, il ne s’agit là que de pansements. Et il va encore falloir trouver un dernier habillage, afin de donner du mou à un calendrier de réduction du déficit que le gouvernement français ne va pas pouvoir tenir. C’est tout le sens de l’intervention de Christine Lagarde.