Billet invité
La détente sur le marché des obligations souveraines se confirme. La réussite doit en être attribuée à la BCE, qui a l’arme au pied avec son programme d’achats obligataires conditionnés, après avoir inondé le marché de liquidités. Pendant que les gouvernements irlandais et portugais, confortés par la baisse de leurs taux, font miroiter de manière prématurée la perspective d’une sortie en temps et en heure de leurs plans de sauvetage pour revenir sur le marché – à la recherche d’un succès à présenter qui accréditerait le cap passé – Madrid continue toujours de reculer le dos au mur. Tout cela est bien fragile car flottant sur un océan de liquidités en excès.
Il reste aussi des cailloux dans les souliers. Le gouvernement chypriote risque d’attendre longtemps son sauvetage, prié de trouver à nouveau un soutien auprès de la Russie, ses banques étant estimées coupables de laver des fonds qui en proviennent. Et le FMI rappelle aux dirigeants européens leur engagement de rendre la dette grecque viable, ce qu’elle n’est toujours pas. Tout n’est donc pas si rose, surtout si l’on prend connaissance des dernières prévisions de la Banque d’Italie, qui prévoit l’approfondissement de la récession dans le pays en 2013, (tout en annonçant un inévitable redressement pour l’année suivante, un classique). L’hypothèse d’une intervention de soutien de la BCE sur le marché obligataire est même discrètement soulevée.
Rien n’est réglé, comme l’ont successivement fait remarquer le FMI et l’OCDE, le premier en préconisant non sans contradiction de freiner les mesures d’austérité et de les poursuivre en même temps, le second en proposant de recapitaliser les banques à hauteur de 400 milliards d’euros, taillant large car doutant ouvertement de la pertinence des calculs de valorisation de leurs actifs. Il ne faudrait toutefois pas croire, après avoir constaté que ces conseils avisés sont splendidement ignorés, que les dirigeants européens restent inactifs, soulagés de ne pas devoir régler dans l’urgence une crise aiguë de plus.
Que l’on en juge ! La grande œuvre de l’union bancaire, dont le premier volet – la surveillance des banques – devait être prêt pour la fin de l’année 2012 fera l’objet d’un projet fin juin, est-il désormais promis. Les autres volets attendront. La séparation des activités des banques continue de faire l’objet de concertations, dénaturant avec l’appui de Berlin le rapport Liikanen sur le mode initié par le gouvernement français. Enfin, le Comité de Bâle, salué une fois n’est pas coutume par les représentants des banques, a décidé d’assouplir les mesures de durcissement du coussin de liquidités qu’elles doivent constituer pour résister en cas de crise… Cerise sur le gâteau, la rupture du lien entre la dette des États et des banques – grande décision du sommet de juin dernier – est désormais remise en question, un nouveau projet prévoyant que l’intervention du MES, financé par les États, sera garantie par l’État dont les banques sont renflouées…
Les persifleurs concluront que la détente enregistrée sur le marché obligataire n’est pas nécessairement étrangère à la clémence dont les banques bénéficient. Quoi qu’il en soit, la crise européenne n’a pas disparu mais s’est déplacée du marché obligataire en crise à l’économie en récession, aussi peu contrôlée.