Billet invité.
Comme s’il ne suffisait pas de la crise financière pour susciter des reconsidérations, d’autres s’annoncent irrémédiables. Elles ont à leur source l’impact destructeur de l’activité économique sur la planète et l’épuisement de ses ressources ainsi que, sans davantage attendre, la logique d’une mondialisation poursuivant sur sa lancée. Mais leur portée n’est pas encore bien assimilée.
Le classement des grandes puissances en fonction de leur produit intérieur brut (PIB) va être bouleversé à l’horizon 2050, selon une étude de PricewaterhouseCooper. D’après ses projections, la croissance des pays émergents est prévue pour dépasser 4%, tandis que celle des pays développés devrait culminer à 2% maximum. La Chine en sort au premier rang, l’Inde, le Brésil, la Russie, le Mexique et l’Indonésie figurant dans le Top 10. Ce genre de prévision est trop soumise à de nombreux impondérables pour être pris pour argent comptant, mais un tel tir groupé n’en est pas moins significatif. Le modèle de ces sociétés va donc imprimer mondialement sa marque, à commencer par la poursuite de la multiplication des mégapoles issues d’une croissance économique rapide et d’une immigration intérieure désordonnée.
Un autre rapport, en provenance cette fois-ci de la banque britannique HSBC, illustre comment la Chine tire l’économie mondiale, les pays voisins et ceux qui exportent vers elle des matières premières tirant mieux leur épingle du jeu que les vieilles puissances. Mais que représente cette tendance, si ce n’est la vision d’un développement des relations Sud-Sud périphérisant le Nord ? Une banque de développement des pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) serait à ce propos proche de voir le jour, avec pour vocation de développer leurs activités financières. Elle serait destinée à rester sous leur contrôle majoritaire, afin de ne pas laisser si facilement le renard – représenté par les mégabanques occidentales – entrer dans le poulailler. Leur prochain sommet du BRICS pourrait l’annoncer officiellement, à Durban en mars prochain.
Mais les reconsidérations ne s’arrêtent pas à ces données géostratégiques. L’OCDE et l’OMC, que l’on ne soupçonnera pas de faire assaut de propos hétérodoxes, viennent à leur tour de dévoiler une étude commune novatrice. Les deux organisations ont uni leurs efforts pour décrire plus finement les flux commerciaux mondiaux, en mesurant la valeur ajoutée et non plus simplement les flux de marchandises et de services traversant les frontières. « Un bien produit dans l’Union européenne et exporté aux Etats-Unis inclut des composants de Chine et du Japon, utilisant des matières premières et des services en provenance d’Australie, de Russie ou d’Inde » a expliqué le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria.
Cette méthode modifie la vision du commerce international : dans ces conditions, par exemple, l’excédent commercial de la Chine vis à vis des Etats-Unis diminue d’un quart, car les produits exportés de Chine intègrent une grande part de services et de biens intermédiaires américains. Un bon prétexte pour Pascal Lamy, le directeur général de l’OMC, lui permettant de faire valoir que les produits étaient désormais « made in the world » et non plus fabriqués dans tel ou tel pays, tirant comme conclusion que « les pays qui exportent le plus et le mieux sont les pays qui importent le plus et le mieux ». On n’en attendait pas moins ! Mais c’est une excellente approche, et un petit fil rouge à tirer, que de s’intéresser à des produits « made in the world », à condition de les concevoir « pour tout le monde ».
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