Billet invité.
Le FMI poursuit la croisade entamée depuis de nombreux mois en faveur d’un dosage mieux mesuré de rigueur budgétaire, sans donner la composition du cocktail miraculeux de mesures d’austérité et de relance qu’il préconise. De leur côté, les autorités de Bruxelles tentent d’apporter une inflexion à leur discours, toute théorique, en privilégiant les réformes structurelles aux coupes claires budgétaires, sans que cela aboutisse dans les deux cas à ce plan A’ qui éviterait à l’Europe de s’enfoncer dans la récession. Il faut attendre un an pour que cela bouge, entend-on aussi, une fois dépassé l’obstacle des élections législatives allemandes, comme si tout se résumait à contourner un écueil politique.
Entre-temps, la petite musique que fait entendre le FMI s’est étoffée. Le coup de la sous-estimation du multiplicateur budgétaire porté, elle change de partition et aborde celle du traitement de la dette pour demander sa restructuration lorsqu’il apparait clairement qu’elle n’est pas soutenable. Elle a déjà été jouée à propos de la Grèce, obligeant les dirigeants européens à bricoler une restructuration ne disant pas son nom ; elle est rejouée à propos de Chypre, le FMI conditionnant sa participation à un plan de sauvetage de 17 milliards d’euros à sa prise en compte (ce qui est démenti, sans convaincre, par les autorités européennes ).
A Chypre, une échappatoire est recherchée sous la forme d’un nouveau prêt que le gouvernement russe pourrait à nouveau consentir, après celui de 2,5 milliards de dollars de l’an dernier. Cet espoir repose sur la présence de nombreuses grandes fortunes russes dans l’île, faisant écrire à Der Spiegel qui s’oppose à une aide de l’Union européenne que financer Chypre, c’est sauver les 26 milliards de dollars aux origines douteuses déposés dans le système bancaire local par les oligarques russes. Bruxelles et Moscou se renvoient désormais la balle.
Mais le FMI ne s’en tient pas là. A propos de l’Irlande, il demande que la BCE – qui s’y refuse – consente au transfert aux banques de la dette que l’État a contractée pour les renflouer, afin de diminuer la charge des intérêts de la dette publique et de crédibiliser son remboursement. Car cette autre restructuration est toujours bloquée, les autorités européennes voulant que la Grèce reste un cas unique, une exception à la règle. Elles se refusent en cela à appliquer leurs propres recommandations, lorsqu’en juin dernier elles affichaient vouloir briser les liens entre les dettes des États et celles des banques. Afin de soulager l’Irlande, le Fonds réclame aussi que les conditions dans lesquelles le pays pourrait bénéficier du programme d’achats obligataires de la BCE soient clarifiées (OMT), afin qu’il puisse être activé. Ce qui revient dans les deux cas à dire « passez à l’acte et n’en restez pas aux intentions ! ».
Dernière intervention européenne en date, le FMI préconise que le fonds de garantie contre les faillites bancaires, que les dirigeants européens appellent pudiquement « mécanisme de résolution », soit « de préférence financé par les établissements financiers eux-mêmes, pour réduire le coût assumé par les contribuables ». On sait que le projet de la Commission prévoit de réunir au bout de dix ans de cotisation des banques la mirifique somme de 10 milliards d’euros, ce qui donne tout son sel au « de préférence » du communiqué du Fonds. Le renflouement qui ne fait que commencer du système bancaire espagnol illustre le caractère tout symbolique de l’effort demandé aux banques, si toutefois ce dispositif entre en jour en vigueur, tandis que l’on apprend qu’il est prévu de plafonner par décret la contribution des banques en France, à la demande insistante de la Fédération bancaire française, exhaussée en dernière minute et aboutissant à la modification du texte initial du projet de loi. Là encore, l’écart est grand entre l’intention proclamée et la réalité !
Est-ce que ces multiples interventions critiques du FMI fondent une autre politique ? Elles expriment avant tout l’inquiétude de l’administration américaine – à l’influence prédominante en son sein – devant le danger de contagion de la récession européenne. Mais l’on a vu, lors des négociations entre les partenaires de la Troïka à propos de la Grèce, que si le Fonds pouvait se faire entendre, il était obligé d’accepter un compromis. La restructuration se fait en deux temps – le deuxième restant à négocier – le premier comportant un rachat de la dette aux effets très contestés afin de permettre le respect de justesse de projections financières invraisemblables, n’empêchant pas un quotidien vespéral français de référence de titrer que « les signaux positifs se multiplient ».
Seules deux institutions ont fait preuve d’une relative clairvoyance et de pragmatisme au cours des derniers épisodes de la crise européenne de la dette en mettant en cause le tabou du remboursement inconditionnel de la dette : le FMI et l’Institute of International Finance, c’est à dire les représentants des mégabanques. Les dogmatiques qui font autorité en Europe en auront été pour leurs frais.
En fin de compte, le FMI est logé à la même enseigne que les banques centrales, l’un prodiguant ses bienfaits aux États, les autres les élargissant aux banques, tous soucieux d’amortir avec les moyens du bord les chocs et de stabiliser le système. Mais sans formuler de stratégie alternative, car il leur faudrait sortir pour cela de leur propre coquille… Non seulement la capacité du système à apurer le passé est en jeu, mais aussi celle de se réformer : dans les deux cas, il n’en emprunte pas le chemin.
Rapporté au FMI, cela revient à constater que l’administration américaine continue de freiner une modification pourtant cosmétique des droits de vote en faveur des pays émergents au sein du FMI, de crainte d’enclencher une dynamique pouvant finir par mettre en cause le droit de veto sur les grandes décisions dont elle dispose de facto. Afin de préserver le plus longtemps possible la prééminence du dollar dans le système monétaire international, sans laquelle il en serait vite fini du leadership mondial des États-Unis d’Amérique.
Le grippage actuel n’est pas comme on le voit réservé à des banques tentant d’échapper à des mesures de régulation financière dont la portée, bien que très limitée, est encore pour elles inacceptable. Quant au FMI, ses audaces restent limitées à des objectifs de circonstance. Aucune institution n’est aujourd’hui en mesure de prendre en charge des remises en cause qui restent réservées à des individualités provenant du sérail. Celles qui s’expriment et celles qui n’en pensent pas moins.
A la faveur d’une accalmie, on ne cesse d’entendre et de lire des commentaires qui expliquent que le pire est passé, quand il n’est pas affirmé que la crise est finie. Enfermés dans leur idéologie passéiste, leurs auteurs sont convaincus que lorsque l’on est au fond de la cuvette, on ne peut que remonter, oubliant que parfois elle est percée. Victimes d’eux-mêmes, c’est du déjà vu !
Monsieur Leclerc,j’apprécie beaucoup la fin de votre article qui constitue un petit d’oeil à l’Antiquité héllénique :la poussée d’Archimède combinée au tonneau des danaides…Assez difficilement conciliable,en effet!!On a échappé de peu à la Némésis châtiant l’Hybris (du capitalisme débridé,s’entend)…Enfin,du moins je l’espère! Bon Noel à vous,quand même!!
Est ce que vous voulez dire que le capital s’est noyé dan sa trappe à liquidités percée .
Etonnant qu’au niveau mondial on ne puisse que proposer des rustines, tout en acceptant que le baril us fuit à plein.
Les Européens préfèrent-ils se faire tondre la laine sur le dos plutôt que d’essayer de remettre en cause un ordre monétaire mondial bien trop avantageux pour le plus riche, à savoir l’américain moyen ? Je n’ai rien contre les américains, c’est une image.
Si les politiques européens pensent avoir fait tout ce qui était en leur pouvoir pour nous aider à nous en sortir, qu’ils le disent ouvertement en précisant individuellement leur position et qu’ils démissionnent en bloc en cas d’insuccès pour marquer le coup. Ainsi nous serons à qui nous en tenir et qui soutenir.
http://www.pauljorion.com/blog/?p=44933#comment-391642
Wenost,
Z’êtes bien sûr de cette dernière affirmation ?
Non dans l’absolu… mais l’américain moyen, c’est une image s’en sort bien pour l’instant.
Ah bon ? Tiens donc…
La dernière « potion magique » concoctée par des technocrates de la finance: sortir du tiroir le spectre de l’inflation pour faire peur aux gens. Le but recherchée consisterait à inciter les gens à dépenser de l’argent, à puiser dans leurs épargnes pour stimuler la consommation.
Une débilité de plus.
Mais cela montre que la « crise » le l’euro est loin d’être terminée, et le calme rélatif dû aux masses d’argent débloquées et mises à la disposition des banques ne sera que de durée passagère.
Comme d’habitude, on traite les symptômes et non pas l’infection.
@Germanicus
A propos de ce que vous dites sur l’inflation, je n’y crois pas une seule seconde. Les enquêtes d’opinion devraient pouvoir nous départager. Demandons à Mme Parisot car elle est propriétaire de 75% de l’IFOP
Pour ratatiner une dette, rien ne vaut une bonne cure d’inflation… donc je suis mitigé.
La crise de l’Euro … c’est clair elle n’est pas terminée.
Un fait peu commenté (J’ai pas tout du blog…) La démission de Monti, et Berlusconi qui prévoit de revenir…
Une démonstration de l’échec de la Troika, méthodes confondues du FMI ou de la BCE…
L’italie depuis Monti est entrée en récession, qui a bien sur, on s’en doute réduit à néant les « efforts » des italiens…Plus les recettes baissent et plus l’Etat est obligé de s’endetter pour boucler son budget.
Tonneau des danaides d’un coté, et machine infernale de l’autre…
Alors messieurs de la Troika, tout va bien? Vous refusez de voir la réalité de vos politiques de redressement incongrues, déplacées et poussièreuses?
Résultat affligeants de Monti:
PIB Italien:
2010: +1,8/
2011 +0,4%
2013 -2,3%
http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=nama_gdp_k&lang=fr
4,1% de moins en 13 mois!
Monti se casse, car si on suit la courbe cela fera -6% en 2013, et non pas les chiffres ubuesques de prévisions: -0,5%
Qui a vu un pays à -2,1% passer en ce moment à -0,5%, soit 1,6% de mieux?
Alors que pendant la meme période eurostat prévoit rien pour l’Allemagne: De 0,8% à 0,8% soit une progression du PIB DEUX fois moindre que celle de l’Italie! (Quand un PIB cesse de baisser c’est qu’il progresse à mon avis, c’est a dire que la machine à perdre se fait attaquer par une restauration de l’activité productive)
Ils sont bons les italiens, comment ça se fait que les marchés attaquent leur dette avec de telles prévisons?
A mois qu’en termes de prévisions, eurostat c’est du pipeau de propagande?
–>Seules deux institutions ont fait preuve d’une relative clairvoyance et de pragmatisme au cours des derniers épisodes de la crise européenne de la dette en mettant en cause le tabou du remboursement inconditionnel de la dette : le FMI et l’Institute of International Finance, c’est à dire les représentants des mégabanques.
Pardon..?? y’a malaise, là.
Monsieur Leclerc, ne me dites pas que vous avez AUSSI été dupé par leurs tromperies..??
NI le FMI, NI les méga-banques ne peuvent se permettre le moindre défaut.
Le FMI a D’AILLEURS été CREE POUR CELA. Montrer que l’endettement est « avoir confiance en l’avenir »… Et faire progresser la privatisation, bien sûr.
Et les banques trient suffisamment leurs clients pour montrer la même chose.
Prenez du recul et voyez que ce n’est QUE de la poudre aux yeux. A moins que vous ne connaissiez pas le principe des vases communicants..??
Notez, ils ne seraient pas les premiers à être les meilleurs artisans de leur propre malheur…
Leur clairvoyance est bien entendu relative, ce que j’ai souligné !
T’es d’un aveuglement consternant yvan. Comment peux-tu ne pas voir que tout et tous convergent vers la mise en musique d’un défaut/restructuration à la grecque pour, au strict minimum, Chypre, Portugal, Irlande et Espagne (la Grèce aura droit à un troisième round) ? Le tout évidement sans nulle poussée inflationniste, bien au contraire.
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