L'actualité de la crise : JEAN QUI RIT ET JEAN QUI PLEURE, par François Leclerc

Billet invité

Tous les paris ne sont pas gagnants et tous les hedge funds florissants. L’un d’entre eux, Third Point, vient toutefois de décrocher le gros lot en pariant sur la dette grecque, puis en participant à l’opération de rachat par l’État grec. L’opération lui a permis d’acheter pour 500 millions de dollars de titres au prix de 17 cents (soit 17 % de la valeur nominale) et les revendre à 34 cents, c’est à dire le double.

Mais cette success story pourrait ne pas s’arrêter là, si l’on en croit des sources familières avec le hedge fund rapportées par le Financial Times. Tous les titres n’auraient pas été vendus, dans l’attente d’une nouvelle opération plus profitable encore qui ne saurait être évitée (Third Point gère 10 milliards d’euros et a assuré cette année un retour de 20 % à ses investisseurs).

À ce même jeu, NML Capital, un fond vautour basé aux îles Caïmans, vient d’essuyer une forte déconvenue. Le tribunal international du droit de la mer a ordonné au Ghana de libérer la frégate argentine Libertad qui était immobilisée dans le port de Tema depuis le 2 octobre. Cela faisait suite à une requête de NML auprès d’un tribunal ghanéen. Le fonds réclame au gouvernement argentin le paiement intégral de ses titres obligataires, pour un montant de 370 millions de dollars, après avoir refusé de participer à un rachat avec décote, en s’appuyant sur la décision d’un tribunal de New York qui a décidé d’obliger l’État argentin à rembourser au nominal les créanciers ayant refusé de participer à l’opération proposée par le gouvernement argentin. L’affaire vient en appel le 17 février prochain.

Après avoir fait défaut sur une dette de 100 milliards de dollars, le gouvernement argentin a procédé à des restructurations pour un total de 93 % de celle-ci en 2001 et 2005 et s’est refusé à payer les fonds vautours plus que les 30 cents pour un dollar qu’il a offert à cette occasion.

Les bonnes affaires des hedge funds ne sont plus en général ce qu’elles étaient, et leur rentabilité est désormais estimée en moyenne à un petit 5 %. Énumérés par les spécialistes en cette fin d’année, les gros paris gagnants se sont faits plus rares. Les actions des banques européennes ont été l’un des gisements remarqués, en raison des liquidités à bas prix distribuées par la BCE. Mais le marché américain sinistré des mortgage-backed securities (les MBS, ces titres adossés à des créances hypothécaires) est resté le principal terrain de chasse. Il y a un côté profondément nécrophage dans cette activité financière, qui a été notamment financée par la Fed via les banques.

Décidément, toutes les activités financières ne sont pas socialement utiles, comme le dit Lord Adair Turner, le président du régulateur britannique, le FSA. La loi française de pseudo séparation des activités bancaires, qui est passée ce jour en conseil des ministres, parle quant à elle « d’activités nécessaires à l’économie » pour n’exclure que marginalement de cette catégorie éminemment floue celles qui devront être filialisées. « Ce n’est pas une réforme qui est faite pour le lobby bancaire » a cru devoir commenter Pierre Moscovici, le ministre des finances qui l’a présentée, sur la défensive. L’agence Fitch n’a pas le même point de vue : elle considère que la réforme « ne modifiera pas le soutien de l’État envers les banques ».

33 réponses sur “L'actualité de la crise : JEAN QUI RIT ET JEAN QUI PLEURE, par François Leclerc”

  1. C’est marrant en voyant la phrase de Pierre Moscovici je me suis dit qu’il manquait la deuxième partie :  » Ce n’est pas une réforme qui est faite pour le lobby bancaire  » …  » C’est une réforme qui est faite par le lobby bancaire » 🙂

    Au cas où, je précise que j’ai complètement imaginé la deuxième partie, mais elle sonne tellement bien à la suite.

  2. La question des banques n’est peut-être pas le problème de solidarité numéro un, mais il me semble quand même qu’on devrait s’y arrêter. Le problème est celui de la garantie publique apportée aux activités de paris des banques. Je ne suis pas d’accord pour que l’état y apporte sa garantie. Mais j’ai besoin des activités de dépôt, comme chacun de nous.
    Est-il envisageable de créer une banque de dépôt nationale qui bénéficierait de facto de la garantie publique? L’état pourrait alors dicter une loi claire définissant les conditions d’attribution de la garantie publique aux activités bancaires. Il est probable que les banques récalcitrantes, qui ne bénéficieraient donc plus de la garantie publique, accéléreraient la séparation de leurs activités de dépôt et d’affaires devant la fuite des clients déposants vers la banque nationale.

      1. @ Michel Martin
        Je vous rejoins en tout points , il est complétement aberrant que la garantie d’état s’applique aux activités de paris. Sinon il y a aussi le poker , le pmu , les grattes grattes etc « jouer , si vous perdez , vous êtes remboursé »

    1. Le problème est que le projet de loi continue d’accorder de fait la garantie publique aux activités spéculatives. Et puis, pourquoi laisser se perpétuer le casino, même sans ce filet, au prétexte qu’il est utile à l’économie alors qu’il est en train de démontrer le contraire ?

      1. Pas « tout à fait », Monsieur Leclerc.
        En ces temps de guerre économique, il « faut » résister aux pires spéculateurs.
        Donc, spéculer à leur basseur.

      2. Faudra m’expliquer en quel honneur il serait du ressort de l’État de (feindre de) garantir ne serait-ce que les dépôts financiers autres que les dépôts à vue non rémunérés et, éventuellement, les dépôts sur comptes épargne réglementés.

      3. Les politiques sont aux ordres des banquiers , l’exemple de l’Italie n’en est qu’une démonstration .On est arrivé à une telle forme de décrépitude que la chute ne sera que plus dure .
        Mais c’est vrai que le sujet de la semaine c’est l’euthanasie ALORS

      4. @François Leclerc
        Quelques arguments ici pour commencer par une séparation non truquée.

        A nouveau, je crois que si l’état créait une banque de dépôt, il détiendrait un moyen puissant pour imposer la séparation qu’il souhaite. Cette banque aurait aussi l’avantage de pouvoir financer à taux très bas des investissements.

      5. La banque postale, Martin, ça suffit pas ? « financer à taux très bas des investissements » ? Plus bas que les OAT ?

      6. @François Leclerc
        « Je maintiens mon objection : si certaines activités sont nuisibles, pourquoi les autoriser ? »

        Le « sport » automobile est nuisible dans le sens où il consomme inutilement du carburant (avec la pollution qui en découle etc). Faut-il aller jusqu’à interdire les 24h du Mans ? Je pense que oui, mais je peux comprendre que d’autres avis soient possibles.

      7. A partir du moment où l’on a décidé de ne pas toucher au modèle français de Big Banques universelles, le reste suit forcément. Reste plus qu’à se distraire en suivant les débats à l’assemblée…

      8. @Perrico

        le sport automobile, aussi nuisible soit-il, se pratique dans un cadre extremement reglementé, sur des routes fermées pendant les compétitons sur route ou sur des circuits, les acteurs du « jeu » prennent des risques qu’ils acceptent et qui ne mettent pas en péril les spectateurs dans la mesure du possible et surtout qui ne mettent en aucun cas en péril les utilisateurs de véhicules du réseau routier national.
        Pour ma part le système financier actuel equivaut à lacher sur le réseau routier des pilotes téméraires et dangereux au volant de bolides achetés à crédit sans aucune possibilité de leur faire respecter les regles élémentaires de la circulation et aucune possibilité de limiter leur vitesse. La seule sanction serait l’accident avec tous les graves dommages collatéraux infligés
        à d’autres utilisateurs, obligés d’utiliser la route pour travailler ou pratiquer leurs loisirs.
        Et, comble de l’obscénité, après constatation de l’absolue irrésponsabilité de leur comportement, les Etats se verraient obligés de les remettre en situation de continuer leur course folle…. aahhhhh !

      9. @Super Vigneron,

        La banque postale, Martin, ça suffit pas ?

        Si, t’as parfaitement raison, y’en a un qui suit! L’état pourrait donc se contenter d’indiquer qu’il ne garantit plus que la banque postale en attendant que les autres banques se décident à séparer leurs petites affaires.

      10. Ouaip, mais de là à c’que les français acceptent de placer leurs roros chez leur banque postale qui participerait massivement au financement d’un État endetté jusqu’à concurrence de 240% du Pib et pour un bénéfice zéro voire moins que zéro, comme au Japon…

      11. @ vigneron vigneron 20 décembre 2012 à 13:30

        N’importe quoi Jduc, 100% de capitaux publics la banque postale.

        L’argument ne tient pas quand on se souvient du scandale du Crédit Lyonnais. Comme la Banque Postale, il appartenait à l’Etat au moment où la gauche, comme aujourd’hui, était au pouvoir.
        http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_Cr%C3%A9dit_lyonnais

        Qui donc a payé l’addition ? Ceux qui ont fauté ? Non l’Etat, donc ceux qui paient des impôts sur le revenu. Ils sont nettement moins nombreux que ceux qui votent. C’est à ceux qui votent comme il faut qu’il convient de faire plaisir. Pour les autres, ce sera toujours possible de les faire payer.

      12. Fais pas l’mariole Jduc, ça l’fait pas. Tu vas mimile chantonnant que la BP est identique aux autres, je te dis non, elle est 100% publique et là tu dois dire « euh oui pardon, je m’a trompé ». Kestu la ramènes avec le Crédit Lyonnais ? Elle a coûté quoi au contribuable trisocolore la BP depuis 2007 ? Ah ouai, 800 millions d’augmentation d’capital l’an dernier pour absorber les pertes sur le défaut de la Grèce. Tu veux qu’je te rappelle c’que coûtent et coûteront les sauvetages de nos mirifiques BNP, SG, Casa, Bpce et autres sans parler de Dexia et CIF ? Sans oublier les dizaines de milliards US$ que certaines de ces dernières ont coûtés en 2008 au contribuable yankee ?

  3. Les temps sont durs, mon bon Monsieur Leclerc.
    Cela me refait penser à la sortie par le haut. Et quand j’ai pris le pseudo « parlehaut », je me suis fait sortir.

    Je complète votre info donc par le bas. Etant terrien au 2/7ème. (là, y’a pas de jeu de mots)
    http://www.dailymotion.com/video/xpw945_antoine-peillon-au-coeur-de-l-evasion-fiscale_news?ralg=behavior-only#from=playrelon-11
    « des fonctionnaires…enquêtent à fond…et ils voient que leurs enquêtes n’aboutissent pas…et donc tout le monde parle aujourd’hui… »

    1. Je parle de terrien dans le sens savoir quand un veau ou une génisse va ruer ou savoir forcer un cochon à retourner vers l’enclos. Cela AUSSI est avoir les pieds sur terre.

    2. Nous vivons dans un système de  » vol en bande organisée  » .
      Les très riches évadés fiscaux , les politiques à la botte des banques : il y a vraiment une association de malfaiteurs qui se protègent tous en famille au plus hauts niveau des états et donc bien évidemment également en France .
      De ce point de vue , il me semble que la crise du système financier international a servi de révélateur .
      Il me semble que le moment d’essayer une autre politique qui consiste à faire face aux procédés mafieux de la haute finance est en train d’arriver .
      Il est très intéressant d’écouter et de lire Mr Jacques Généreux ( du front de gauche ) les économistes atterrés , Paul Jorion , Frédéric Lordon etc.. ( la liste n’est pas exhaustive ) .
      Internet permet cette information plurielle, tellement différente et contradictoire du bourrage de crâne médiatique actuel ( les télés en tête de peloton )
      La seule question qui me taraude , c’est comment intéresser le maximum de personnes à aller gratter de ce côté là , pour se forger une opinion citoyenne ? Ce n’est pas facile , mais il me semble que les choses commencent à frétiller un peu .
      Il me semble que si l’on continue sur la lancée actuelle du système en place , cela va mal finir , si on ne tente pas une autre politique ferme , par rapport au volet mortifère de la finance (la spéculation et évasion fiscale )
      Le front de gauche en France ( bientôt appelé  » front du peuple  » ? ) est le seul qui propose une orientation vraiment différente :  »l’écosocialisme » )
      Mr Jean Luc Mélenchon dit que la finance est un  » tigre de papier  » et qu’il faut lui faire face et qu’une autre politique est possible , je vais donc personnellement voir de ce côté là .
      Et surtout , aller voter à chaque fois que l’occasion s’ en présente .

  4. « Third Point » reste fidèle à son image, il se comporte comme un vautour vorace. Il a réussi en effet une grandiose redistribution au bénéfice des créanciers.
    Que veut-on, il faut sauver la Grèce, la maintentir dans la zone euro à tout prix. Le peuple grec ne semble pas avoir de prix, il n’en bénéficie pas. Sa déchéance continue.

  5. « Ce montant global de 1,4 milliard de francs suisses inclut des amendes à hauteur de 160 millions qui seront versées aux autorités britanniques et de 1,2 milliard de dollars au département de la justice américaine. »

    Quelqu’un peut il expliquer pourquoi les amendes ne sont payées qu’aux « autorités britanniques et au département de la justice américaine », les autres nations ne sont pas concernées par le scandale du Libor ???

      1. et en ce qui concerne notre monde de la finance »bien de chez nous »?, les scandales c’est un peu comme le nuage Tchernobylien, ça s’arrête aux frontières?…lol

  6. Commençons par demander aux hedge funds d’augmenter leur taux de couverture et de dénouer complètement leurs opérations avant de claironner sur leurs mirifiques résultats qui sont juste bons à appâter les futurs gogos.

Les commentaires sont fermés.