L'actualité de la crise : GRANDEUR ET DÉCADENCE, par François Leclerc

Billet invité.

Le leadership des deux premières puissances économiques mondiales est en suspens, et que peut-on en attendre ? Du côté chinois, la transparence n’est pas de mise mais les sinologues avertis du South China Morning Post annoncent que le camp des conservateurs aurait réussi à freiner l’offensive menée par les libéraux, et que la nouvelle direction chinoise désignée à l’occasion du XVIII éme congrès du PC chinois allait le refléter. Un pronostic à prendre avec des pincettes en attendant qu’il soit confirmé, tant l’on sait combien les jeux de pouvoir sont complexes et les évolutions souvent imprévisibles : l’histoire et la chute de l’URSS sont là pour le rappeler.

L’enjeu n’est pas mince et l’on comprend que le changement suscite comme toujours de très fortes résistances. La chute de la phénoménale croissance chinoise s’accompagne d’une montée inquiétante de la crise sociale, mais les tenants d’un modèle économique en bout de course s’opposent à des remises en question qui menaceraient leurs positions en privilégiant le développement du marché intérieur. Car ils craignent que la libéralisation économique et politique ne les emporte, un peu à la manière dont l’URSS a été emportée par la Perestroïka.

L’issue de la compétition entre Barack Obama et Mitt Rommey reste incertaine, mais si l’avantage que semble conserver le premier se concrétise, rien ne permet d’attendre de sa victoire de grands bouleversements dans la conduite de la politique américaine. Démocrates et Républicains vont continuer à être confrontés au même dilemme – la réduction de la dette américaine – sans parvenir à un compromis sur les mesures à prendre pour la réduire. Si Mitt Rommey devait l’emporter, personne ne croit, à commencer par l’hebdomadaire britannique The Economist connu pour ses idées économiques libérales (qui par prudence appelle à voter Obama), qu’il pourrait appliquer son programme. Le lent déclin de la première puissance militaire mondiale ne peut plus être enrayé.

Mais que l’on considère tour à tour la Chine, le Japon, les États-Unis ou l’Europe, c’est la même situation d’immobilisme qui prévaut dans des contextes qui diffèrent. On a assisté à l’implosion difficilement contenue du système financier, qui se poursuit dans ses profondeurs, on observe désormais la baisse générale de la croissance économique, quand ce n’est pas la récession. Les banques centrales avaient pour principale mission de lutter contre l’inflation, elles en sont au Japon et aux États-Unis à lutter contre une déflation installée ou menaçante. Et, par dessus tout, la mère de toutes les bulles financières a éclaté mais nul ne sait comment la résorber en dépit des dégâts sociaux qu’elle multiplie. Le monde s’enfonce dans la crise, et pour longtemps.

Grandeur et décadence ! un G20 des ministres des finances se tient ce week-end, mais il va en priorité se pencher sur le sauvetage de la Grèce, comme si le sort du monde en dépendait. Signe, s’il en est besoin de le démontrer, de l’extrême fragilité de la situation actuelle et de l’impasse stratégique globale dans laquelle se trouvent les leaders de la planète quand ils sont confrontés à la poursuite d’une crise dont ils ne possèdent pas les clés ; qui s’exprime suivant les pays et les régions de différentes manières mais qui n’en reste pas moins, et plus que jamais, globale.

La mondialisation a mis à l’ordre du jour la notion de crise systémique, financière mais aussi économique, et le G20 – expression d’une nouvelle gouvernance mondiale qui a fait déjà son temps – est tout autant paralysé que ne le sont les autorités régionales et nationales. Seules, les banques centrales parviennent à tenir le navire à flot et pratiquent par défaut l’art de la fuite en avant. Il a été longtemps mis en avant ce qui n’était pas tenu des promesses qui avaient été faites, notamment en matière de régulation financière, mais on n’en est même plus là. Les dirigeants politiques en sont réduits à invoquer une relance économique qu’ils n’ont pas les moyens de susciter, tandis que la dimension sociale de la crise s’approfondit.

35 réponses sur “L'actualité de la crise : GRANDEUR ET DÉCADENCE, par François Leclerc”

  1. Le problème c’est que la Chine a utilisé toutes les dérives du capitalisme sans jamais faire de communisme, qui trouve ses racines dans les droits des travailleurs. Ainsi elle a réalisé des bénéfices sur l’absence de droits pour les humains, les enfants, avec aucune protection sociale et aucune possibilité de faire des renvendications sociales (même pas au niveau de concept d’idée socialiste).

    Les richesses créées par les industries qui ont été importé, n’ont pas été redistribué dès le début afin de permettre un développement intérieur. C’est un premier retard surtout quand la doctrine du capitalisme actuel est de réduire l’influence des salaires, ce qui est en débat en France. De plus, les échanges entre les industries chinoises et les consommateurs occidentaux (essentiellement) nivelle vers le bas les salaires, la protection sociale et les revendications même en manifestations.

    Comment par ses techniques il est possible de relancer la consommation, ça passe obligatoirement par une hausse des salaires et des autres revenus de la société, car il y a une spéculation (la hausse des prix) sur les produits de première nécessité, le logement, l’alimentation, l’eau et d’autres secteurs d’activités, et une diminution du service public au profit du secteur privé (qui va de nouveau augmenter les prix), qui accentue les difficultés pour tenter de vivre en société.

    1. La privatisation a toujours provoqué du malheur et est même à l’origine de cette crise.

      OUVREZ LES YEUX !!!!!!!!!!!!!!!!!

      1. Jugement de Shröder sur Hollande:

        Ici

        J’ai relevé à propos de Mitterrand et de l’euro:

        Mitterrand et Kohl ont chacun commis une erreur quand ils ont créé l’euro. Mitterrand espérait, en éliminant le mark, canaliser l’économie allemande. Ou, pour dire les choses plus brutalement, il espérait l’affaiblir. Mais cela n’a pas fonctionné, car sans possibilité de dévaluation de la monnaie, c’est l’économie la plus forte qui l’emporte. Kohl, pour sa part, espérait que l’euro contraindrait les Européens à réaliser l’union politique. Mais les Britanniques n’en voulaient pas et l’entrée des pays de l’Est en 2004 a changé la donne. Grâce à la crise actuelle, on réalise que la monnaie unique a besoin, pour bien fonctionner, d’une politique économique et fiscale commune, et j’ajoute même d’une politique sociale commune, car ce sont les disparités sociales qui sapent l’Europe. Il ne suffit pas de coordonner la politique monétaire. Nous avons compris que l’union politique était garante de la stabilité de l’euro. La crise actuelle a eu le mérite de remettre l’union politique à l’ordre du jour. C’est une très bonne chose. Je suis donc optimiste.

        Tout est dit ou presque: tel est pris qui croyait prendre. Vive nos stratèges français, aussi efficaces qu’en juin 40 !!!

      2. Kohl, pour sa part, espérait que l’euro contraindrait les Européens à réaliser l’union politique. Mais les Britanniques n’en voulaient pas…

        Il est mignon et bien diplomate le Gerhard (Guerre Hartz ? ). Il sait comme tout le monde que c’est Mitterrand, bien dans la tradition, qui ne voulait pas d’union politique.

    2. En fait cela ressemble bien à une impasse dangereuse:

      – soit nous faisons une politique de la demande et nous « rilançons » l’économie chinoise et des autres émergents, nos déséquilibres commerciaux s’accroissent, les délocalisations et le chômage aussi. De fil en aiguille nos dettes augmentent, en particulier notre dette publique. Les marchés nous attaquent, et nous devons pratiquer l’austérité budgétaire et sociale.

      -soit nous « rilançons » par l’offre, mais alors on coupe drastiquement tout de suite dans les budgets publics et sociaux, pour atteindre le niveau de compétitivité qui fera revenir les investisseurs chez nous. Mais avant qu’ils ne reviennent il y a fort à craindre que le choc d’austérité n’ait produit une récession telle que le chômage explose, accroissant ainsi nos dettes. Les marchés nous attaquent et l’on « est obligé » d’intensifier la cure d’austérité.

      La première option est celle qui a la préférence des sociaux-démocrates (thérapie douce), la seconde celle de la droite libérale (thérapie de choc). Pour être plus précis la première option a la préférence des sociaux-démocrates français, car leurs collègues allemands prônent la seconde option: seulement il y a un hic, l’Allemagne n’est pas la France. D’une part la politique de déflation germanique a marché au détriment des tous les petits « copains » européens dont la France, d’autre part l’Allemagne exporte des produits haut de gamme qui n’ont que peu de concurrents sur le marché mondial.

      Mais au final dans les deux cas on finit comme les grecs, en slip.

      Tout cela parce que le crédo partagé aussi bien par la droite et la gauche, c’est que toute forme de protectionnisme est à proscrire. Dans ces conditions quelque soit le chemin que l’on prenne on sera laminé.

      Et in fine les solution de type national-socialistes deviendront de plus en plus populaires, car les peuples ne voyant pas la différence entre les deux approches également catastrophiques, finiront par succomber aux sirènes de ceux qui leur promettront protection et défense de leurs intérêts nationaux.

      Ceci, sans même aborder la problématique de fond, qui fait que la croissance matérielle ne peut être sans limite dans un monde fini.

      1. Finalement on ne peut pas justifier le niveau de vie des Français si ceux ci ne sont capables de produire que de la moyenne ou basse gamme. Nos salaires ne seraient justifiés que si on était capable de produire comme les Allemands du haut de gamme. Des produits tellement haut de gamme que les autres ne sont pas capables de les produire. C’est un peu ce que l’on fait dans le luxe ou même dans l’Aérospatial.

      2. @RUTILY

        Sûr dans une économie ouverte et concurrentielle, si on ne fait pas mieux que les autres on se fait tailler des croupières, et le niveau de vie s’en ressent forcément.
        Cependant les allemands ont pratiqué aussi une déflation salariale qui a fait grossir le nombre de travailleurs pauvres payés au lance-pierre: emplois à un euro

      3. @ Macarel
        Les Allemands ont donc créés une économie compétitive positionnée sur des produits haut de gamme et une catégorie de travailleurs « les travailleurs pauvres » qui est employée à des activités qui ne seraient pas rentables dans cette économie mais qui finance un revenu équivalent à celui des chômeurs. Ainsi ils réduisent la charge qui pèse sur l’économie du fait de l’indemnisation des chômeurs et rendent cette économie encore plus compétitive. Si ils étaient en dehors de l’Europe on pourrait théoriquement s’en protéger avec des barrières légales mais puisqu’ils sont dedans, il est impossible de s’en protéger. C’est une des raisons qui m’avaient amené à proposer qu’il y ait un salaire minimum imposé à chaque pays européen en fonction de sa compétitivité globale (leur changement de niveau remplacerait les dévaluations d’antant)

      4. On peur faire une politique de relance par la demande ( je pense que c’est la seule possible d’ailleurs), à condition de faire aussi un protectionisme intelligent, c’est à dire négocié avec les partenaires et non pas sauvage comme la récente hausse unilaterale par la France des impots sur les bières belge. Mais là c’est encore un tabou que l’on soulève.

    1. Le point propriété de François Pinault, lobbying. Le grand patronat continue son travail de sape. Autant je suis pas sûr (du tout, du tout) que Hollande est une solution, autant je suis sûr que la solution de ces gens là n’est pas la bonne.

    2. Un classique de la presse mainstream en ligne. Titre racoleur, contenu sans information, commentaires réactionnaires.
      Raisons pour lesquelles on va sur pauljorion.com et pas lepoint.fr.

    3. Triste tableau.
      Temps d’agir !
      Le fond de l’affaire, c’est que ,ni Sarko ni Hollande,
      politiciens bourgeois, ne peuvent se rendre à l’évidence:
      si l’on ne met pas un terme à la dictature du capital,
      l’économie française, dans la crise et concurrence acharnée à venir,
      court à l’effondrement…ou à la barbarie sur le plan social et politique.

      Ils ont évidemment fait le choix, avec les rapaces du MEFEF, de la barbarie.

      Et les politiciens Foin de Gôche continuent à clamer;
      « nous ne sommes pas dans l’opposition »
      Ils prennent l’immense responsbilité de la laisser aux fascistes.

      1. Et les politiciens Foin de Gôche continuent à clamer;
        « nous ne sommes pas dans l’opposition »
        Ils prennent l’immense responsbilité de la laisser aux fascistes

        analyse tres juste

        mais toutes ces gauches de gouvernements cracheront leur venin contre les militants de l’émancipation sociale en disant que c’est pas de leur faute mais de notre faute, nous militants lucides de la barbarie qui risque d’advenir car la haine de ces gouverneux est bien plus grande envers nous qu’envers les capitalistes : normal nombre d’entre eux veulent faire oublier leur jeunesse de gauchistes : il n’y pas pire que les convertis

        Socialisme ou barbarie

  2. hé bien c’est gai tout ça; on ne pouvait s’attendre à mieux pour le week en de la Toussaint !!

  3. Un chocs de compétitivité , ok c est bien . E t après on fait quoi ? Ah oui j avais oublié , un retour sur les 39heures , normal moins y a du boulot , plus y a du boulot . Comme quoi les idées manquent pas , comme disait mon pote marin « quand tu pisses face au vent , profite en ,lave toi les dents »

    1. Merci, Roma, pour le lien. Intéressant de voir que l’Allemagne cherche à innover dans ce domaine, quant aux mesures à prendre, vu ce qu’il risque d’arriver à moyen terme, pour limiter la casse autant que possible.

  4. Mais que l’on considère tour à tour la Chine, le Japon, les États-Unis ou l’Europe, c’est la même situation d’immobilisme qui prévaut dans des contextes qui diffèrent

    et si Jancovici était dans le vrai, alors il faudrait se résoudre à ne considérer plus qu’un seul contexte, la lente et inéluctable disparition de l’abondance d’énergie bon marché.
    juin 2009 : http://www.httr.ups-tlse.fr/numerique/progressif.php?Code=78

    1. Jancovici développe des thèses digne d’intérêt, mais j’ai juste un « petit » problème: « Il est pro-nucléaire. »

  5. Hors sujet mais intéressant sur les joies du fédéralisme. Les 4 Länder allemands les plus « riches » paient des transferts financiers au 12 plus « pauvres ». Ce sont Bade-Wurttemberg, Bavière, Hesse et Hambourg qui paient. Hormis pour la Bavière, les budgets des 3 autres passent de positifs à négatifs. Les payeurs ont en assez de payer sans qu’ils ne puissent contrôler la destination des milliards versés. Cette affaire dure depuis des années, mais les 4 Länder payeurs ont décidé de porter l’affaire en justice en février prochain. Source: Hessen Fernsehen, le premier reportage d’hier jeudi 1er novembre au soir sur Hesseschau.
    Avec l’affaire de l’Ecosse, de la Catalogne, des Flamands belges, et j’en oublie, je trouve que ça commence à faire beaucoup. Je me demande si les velléités d’intégration par haut vont pouvoir stopper cette désintégration par le bas.

  6. GRANDEUR ET DÉCADENCE.

    GRANDEUR du passé , DÉCADENCE au présent.
    Une belle fresque.

     » Le lent déclin de la première puissance militaire mondiale ne peut plus être enrayé.  » C’est aussi un déclin militaire et purement intellectuel parce que les moyens, sans doute largement inadaptés, et les fonds n’ont jamais fait défaut.
    Ce déclin entraîne aussi une ponction insupportable sur l’économie, paraît-il 6000 milliard de dollars pour l’Irak.
    A avoir des doutes sur l’effet de relance keynésienne d’une guerre. Les cyniques n’ont qu’à bien se tenir. Cette fuite en avant ne marchera pas.

    1. il faut surtout comprendre que , comme pour l’empire romain qui ne pouvait plus payer ses légions , ou l’empire russe qui ne pouvait plus suivre pour cause de finance la course aux étoiles , le déclin militaire est une des signatures du déclin économique.

      Cela pourait être une « retombée  » paradoxale positive d’une certaine agonie , si en fait les violences brutales ne devenaient pas plus diversifiées , insidieuses ,privatisées , camouflées, hors appréhension , forces au service des maffias dont la première contrôle encore le « système » .

      Et se cherche , en catimini , une issue possible par les maffias secondaires .

    2. Le déclin même relatif de l’ Amérique, les européens préfèrent ne pas le voir, car depuis la fin de la seconde guerre mondiale nous vivons confortablement à l’ombre du grand frère: « Nous sommes tous américains. »
      Si le grand frère venait à ne plus pouvoir nous protéger, il faudrait que -nous européens- prenions nos responsabilités dans le monde actuel, que nous existions par nous mêmes, comme des grands émancipés de la tutelle du « Big brother ».
      C’est bien la dernière des choses à laquelle nous aspirons, il est tellement plus confortable de vivre dans le sillage d’une Amérique fantasmée et idéalisée.
      L’ Amérique c’est notre drogue, et une drogue dure.

  7. Ils ont choisi de ne pas choisir , ils ont décidé de ne pas décider , ils ont choisi la faiblesse alors qu’il fallait la force.
    Les sociétés vont connaitre une lente agonie.
    Les sociétés sont incapables de sursaut.
    Dans 10 ans l’état du paysage européen sera identique à celui des pays de l’est.
    Plus d’espoir , plus de moteur.

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