Billet invité. Suite de la première partie.
La liste de la course d’obstacles entamée par les banques ne s’arrête pas là. Elles enregistrent la montée d’une nouvelle concurrence sur leur activité de base, l’intermédiation. Les compagnies d’assurance montent à l’assaut, ainsi que les hedge funds sur d’autres secteurs plus périphériques et pointus du marché, tandis que les grandes entreprises commencent à se passer de leurs services en montant leurs propres structures bancaires.
En France, la Fédération des banques françaises (FBF) s’efforce d’empêcher l’augmentation du plafond du livret A, qui aurait comme conséquence de diminuer les fonds dont les banques disposent, car elles devront alors reverser 60% des dépôts effectués sur le livret A pour financer le logement social. Un nouveau chantage au financement des PME auxquels ces fonds vont faire défaut selon elles est exercé, cette affectation n’étant pas garantie…
Dans le cadre des projets de création d’un fonds de garantie européen des dépôts en cours d’étude, le danger systémique d’importants retraits des banques les plus menacées s’étant concrétisé et pouvant facilement se renouveler et s’amplifier, les banquiers tentent de parer à la mise en œuvre de nouvelles taxes destinées à contribuer à son financement. Ils viennent d’enregistrer avec satisfaction l’accord intervenu en Allemagne entre la coalition gouvernementale, le SPD et les Verts, qui calque le projet allemand de taxe sur le modèle britannique : une taxe boursière qui est un moindre mal.
Mais les périls ne sont pas conjurés pour autant. Un nouveau chiffon rouge est agité sous la forme d’une éventuelle participation des créanciers d’une banque à son sauvetage, afin d’éviter une intervention financière publique. Il ne saurait en être question pour les banques, qui s’instituent d’autant plus facilement protecteurs de ces créanciers qu’il s’agit le plus souvent d’elles-mêmes !
Ce panorama serait incomplet s’il n’était pas fait état de la dernière menace qui se profile, celle qui consisterait à séparer les activités de banque de dépôt et d’investissement. Une étude européenne est en cours à ce sujet, dont les résultats devraient être rendus publics en octobre prochain, ayant comme modèles à sa disposition une réglementation Volcker américaine inachevée – contre laquelle les banques bataillaient jusqu’à ce que leur héraut, JP Morgan Chase connaisse quelques petits ennuis – ainsi que les travaux de la commission Vickers britannique, qui attendent dans un tiroir que leurs dispositions finales soient adoptées par George Osborne, le ministre des finances. Celui-ci se prépare à annoncer la possibilité pour les banques de dépôt de commercialiser des produits dérivés initialement interdits, repoussant l’application finale de l’ensemble des dispositions prévues à 2019.
Les batailles les plus importantes se menant dans l’ombre, on n’en sait pas plus sur les tractations en cours, les lobbies bancaires préférant ne pas s’opposer de front à une réforme tout en y étant farouchement opposés au nom de la défense du concept de banque universelle qui serait mis en cause. Ils entendent bien tracer eux-mêmes le « cadre nouveau » dont ils acceptent le principe, pour mieux le contrôler. Leur argumentaire vient d’être littéralement mis en pièces dans une étude réalisée par le bureau d’études Alphavalue, longuement cité par Les Échos.
Bien que feutré, un débat fait rage au Royaume-Uni, afin de choisir entre les avantages et défauts comparés de rester ou de sortir de l’Union européenne. Il est orchestré sous les auspices de la City, qui craint d’être soumise à une réglementation européenne dont elle ne veut à aucun prix. Une campagne sur la nécessité de faire trancher cette question par un referendum national est déjà lancée. Sans attendre, on laisse déjà entendre que faire partie de la future Union bancaire proposée par les autorités européennes était tout simplement hors de question.
Comment préserver au mieux le statut d’exception de la City, l’un des deux grands centres mondiaux de la finance, où même les établissements américains préfèrent réaliser leurs opérations sur les produits structurés, étant donné qu’elle est moins sous surveillance que Wall Street ? La renégociation en cours de la directive européenne sur les marchés financiers donnent des sueurs froides à la City, qui se demande s’il ne vaudrait pas mieux pour elle prendre le large, acquérir en propre le statut de Guernesey à grande échelle en quelque sorte, et devenir un paradis fiscal de plein exercice…
Têtes de turc des pourfendeurs d’un système financier qui a fait son temps, pour en être la face visible, les banques tentent de protéger leurs activités et leurs marges. Elles essaient de limiter la portée des contraintes réglementaires qui pèsent sur elles ainsi que la menace de devoir participer à leur propre sauvetage. Mais ces barrières, lentement dressées et dont la hauteur finale n’est pas encore décidée, sont-elles placées là où il faut ? Tant que les instruments du risque même – les paris sur les fluctuations des prix – ne seront pas interdits, par quelles dispositions leurs effets peuvent-ils prétendre être contenus ? Les milliards de dollars perdus par JP Morgan Chase, dernier épisode connu des dysfonctionnements financiers, soulèvent une vaste interrogation sur la portée effective de l’arsenal réglementaire en gestation dans ses principes mêmes, dont les dispositions sont amoindries au fur et à mesure que l’on avance dans leur calendrier d’application.
Si ce nouvel avatar justifie aux yeux des défenseurs de cette réglementation le renforcement des contraintes, les dirigeants de JP Morgan Chase eux-mêmes semblent n’avoir toujours pas compris ce qui leur était arrivé et comment ils avaient pu se prendre aussi magistralement les pieds dans le tapis. Ce qui souligne l’inefficacité flagrante de la mesure du risque, dont la banque était pourtant le champion reconnu, et de tous les systèmes de protection par des coussins financiers, qui ne seront jamais assez épais. On parlait jusqu’à maintenant des établissements TBTF – trop gros pour qu’on les laisser couler – on devrait désormais reconnaître qu’ils sont trop complexes pour exister. C’est en tout cas ce que vient de conclure Henry Hu, professeur de droit de l’Université du Texas, en s’appuyant sur ses trois années passées à la S.E.C. (l’un des régulateurs US) dans un article de la revue de droit de l’université cité par Gillian Tett dans le Financial Times. Il rejoint les rangs de ceux qui aux États-Unis bataillent ferme contre l’existence des mégabanques, tel Simon Johnson.
Avant même que les dispositions de Bâle III (ratios de fonds propres et normes de liquidité) soient transposées en droit européen et américain – la Fed venant de franchir le premier pas – celles-ci sont déjà obsolètes dans leur principe même…
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VENTE EN LIGNE : Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION viennent de paraître.
si les banques font de la résistance, c’est bien que des forces agissent à leur encontre, et que des formes d’organisations efficaces sont à l’oeuvre. Du coup votre billet sonne le glas pour un système à l’agonie, c’est un bon billet !
De quelles forces s’agit-il ? Quelles organisations ?
ben… des gens comme Hu et ceux dont parle François Leclerc + le Blog de Paul Jorion, etc.
Je me demande toujours quels peuvent être les arguments d’un interlocuteur qui s’oppose à moi et défend des positions que je juge ineptes.
Dans le cas des banques quels arguments opposent-elles à toutes les mesures de bon sens telles que la séparation des banques commerciales et des banques « d’investissement » (de spéculation le plus souvent), la création d’une législation bancaire européenne etc..
Je comprends qu’elles n’ont pas intérêt (à court terme!) à voir apparaitre des règles restrictives sur leurs activités : elles savent qu’elles gagnent beaucoup d’argent ainsi et que leurs risques sont assumés par les pouvoirs publics; on en voit la preuve tous les jours.
Mais de tels arguments totalement égoïstes ne peuvent pas décemment être avancés dans une négociation sur les possibilités de sortie de crise.
Le seul argument valable que j’ai entendu est : Tout ce qui limite leurs mouvements amènera une baisse de crédit ce qui est une menace pour l’économie. Cette baisse est-elle une conséquence directe et mécanique de nouvelles limitations à leurs prises de risques, ou un pur et simple chantage ? En d’autres termes si les projets de réglementation bancaire passent ne voudront-elles plus faire de crédit (pour « punir » les pouvoirs publics) ou ne pourront-elles plus (pour respecter les nouveaux ratios) ? Un peu des deux sans doute.
Toute cette agitation financière, cette temporisation, cette procrastination, ces solutions de dernière minute, ces promenades au bord du gouffre, et ces astuces de financement par le surendettement ne servent-elles pas essentiellement à masquer le fait que nos courbes de dettes suivent autant la globalisation que la dérégulation ?
Le développement de la finance, la dérégulation, et l’endettement ne sont-elles pas les dernières mesures que les pays riches ont trouvé pour que, malgré ou à cause des crises, notre pouvoir d’achat reste aussi longtemps que possible plus du triple de la moyenne mondiale ?
Cette différence énorme n’est-elle pas l’injustice fondamentale ?
« Une réaffectation en conséquence des ressources disponibles, et une réorientation de la production de biens et de services en fonction des besoins sociaux. » empêcheront-elles cette différence de pouvoir d’achat de se résorber ?
Si nous mettons des réformes radicales en place rapidement, le pouvoir financier ne se déplacera-t-il pas non seulement dans les paradis fiscaux, mais aussi dans les autres pays en développement qui n’appliqueront pas ces réformes ?
Tout ce que nous pouvons faire, n’est-ce pas de trouver des astuces financières pour maintenir notre pouvoir d’achat le plus longtemps possible, aussi longtemps que nous disposons encore d’avantages économiques, politiques, ou financiers sur d’autres pays ?
Après, ne faut-il pas s’attendre à une réduction de notre pouvoir d’achat au niveau de la moyenne mondiale, dramatique pour nous, et bénéfique pour les autres ?
Quand nous aurons accepté cette réduction, peut-être les autres accepteront-ils une gouvernance mondiale permettant de taxer les riches ?
Entretemps, nos riches réfugiés chez eux, n’est-ce pas tout bénéfice pour eux ?
« Si nous mettons des réformes radicales en place rapidement, le pouvoir financier ne se déplacera-t-il pas non seulement dans les paradis fiscaux, mais aussi dans les autres pays en développement qui n’appliqueront pas ces réformes ? »
« Entre-temps, nos riches réfugiés chez eux, n’est-ce pas tout bénéfice pour eux ? »
Si on accepte l’idée d’un effondrement de la prédominance économique et financière des pays riches, on peut en déduire que ceux qui actuellement y détiennent réellement le pouvoir vont le perdre (qu’en continuant à se battre les uns contre les autres comme ils en ont l’habitude ils se détruisent eux-même, que les sommes gigantesques qu’ils manipulent ne représenteront plus rien, etc.)
Voulez-vous dire que les plus riches des occidentaux s’efforcent de maintenir leur pouvoir financier actuel tout en estimant arriver à le conserver grâce aux paradis fiscaux et/ou à des investissements hors des pays riches? ont-ils la moindre chance d’y parvenir?
Les pays riches essayent de conserver les acquis ou au moins de retarder l’inévitable.
Quand les chefs d’Etats se réunissent à 7, 8 ou 20 en G, là ou tout se décide, ce n’est pas pour se faire des politesses. Vous d’abord ! Je vous en prie ! Je n’en ferai rien ! C’est pour conforter leur pouvoir et tenter d’améliorer leurs positions.
Et le pouvoir politique, économique, financier, et militaire de chaque pays importe plus que le bien être de chacun des concitoyens.
Chaque pays va défendre ce qui fait son pouvoir ou sa richesse : une population éduquée et en bonne santé, un système financier, une monnaie de référence, une industrie exportatrice, un complexe militaro-industriel, le prix de ses ressources naturelles, une administration fiscale compétitive…
L’Europe rogne sur ses budgets d’éducation et de santé, perd ses riches et ses cerveaux, appauvrit ses banques, doute de sa monnaie, délocalise ses entreprises, n’a presque pas de ressources naturelles, se livre à la concurrence fiscale…
Heureusement, il nous reste le tourisme…
Les plus riches des occidentaux resteront riches aussi longtemps qu’ils ne seront pas taxés de façon significative. Il ne seront taxés que quand leur dernier refuge fiscal se décidera de les taxer, parce qu’il y sera contraint ou y aura intérêt.
Entretemps, nos riches font la richesse des pays qui les hébergent encore. Dans le cas de paradis fiscaux, les riches en sont souvent l’unique richesse, dont profite le pays puissant qui tolère l’existence et les pratiques de ces pays.
La question de la richesse d’un pays importe beaucoup plus que la question de la richesse des individus, surtout s’ils participent à la richesse d’un pays d’accueil au détriment de la richesse du pays qu’ils ont quitté.
Un vague élément de réponse.
Les banques dites universelles (modèle français par exemple) ne gagnent pas d’argent sur le crédit immobilier en France, assez peu sur les autres crédits (entreprises, collectivités locales, (hors crédit conso lui plutôt rentable mais surtout pratiqué par les filiales spécialisées) et sur l’exploitation d’un réseau dont les coûts de back office sont titanesques, et vaguement plus sur la vente de produits connexes à marge immédiate (assurances, produits à commissions etc.) ce que dans l’ensemble et curieusement personne n’évoque jamais.
En d’autres termes les dizaines de milliers de salariés qui bossent dans les réseaux et la tringlerie font souvent des jobs de quasi fonctionnaires (gérer des comptes et des dépôts, vendre des CB, octroyer des crédits immo, gérer les mécanismes interbancaire de compensation), en pratiquant des activités maigrement rentables qui pourraient être nationalisées sans problèmes et par ailleurs sont des vrais casse tête à gérer vu la machinerie.
Il se trouve que les banques gagnent vraiment de l’argent ailleurs, justement la ou tout est « trop complexe pour exister » avec des petites équipes ultra pointues.
Allez donc leur dire qu’ils faut séparer les deux.
Tout ça relève du courage politique, de vouloir s’opposer aux banques, du moins à leurs positions actuelles.
Nos politiques sont pour la plupart des pleutres et nos concitoyens aveugles (cf les dernières élections), donc soyons rassurer, rien ne va changer avant longtemps, car le système s’effondrera surement un k jour, mais l’agonie sera longue!
Les banquiers (lire les propriétaires de parts significatives des banques) tentent par tous les moyens de préserver leur exorbitants privilèges sur la population.
Il faudra bien qu’un jour on fasse comprendre à ces gens que dorénavant ils en sont à devoir choisir :
« La bourse ou la vie ».
On s’en rapproche chaque jour un petit peu.
Les prédateurs vont devoir lâcher leurs proies ou mourir avec elles.
« Les prédateurs vont devoir lâcher leurs proies ou mourir avec elles. »
Nous sommes dans le même bateau.
Une petite note qui se veut optimiste: « L’assertion de nature translogique « le prédateur est sa propre proie » est, selon moi, à la base de l’embryologie animale ». René Thom.
Pourquoi tant de haine…. ?
http://www.youtube.com/watch?v=k3Fa4lOQfbA
TBTF : Too Big To Float ?
La crise de l’euro, sert au moins à quelque chose…
Je ne sais pas où Atlantico est allé chercher que Wolf est américain.
Wolf est Allemand, n’est-il pas ?
et l’homme est un loup pour l’Homme !
Ne pas oublier que cette vaine agitation se déroule désormais au bord du gouffre,
que reconnait pour la première fois notre bon social-démo Lamy:
http://www.wto.org/french/news_f/sppl_f/sppl234_f.htm