L'actualité de la crise: digestion très laborieuse pour les deux bulles financières, Par François Leclerc

Billet invité.

DIGESTION TRES LABORIEUSE POUR LES DEUX BULLES FINANCIERES

La crise est-elle soluble dans l’eau ? C’est la question que certains doivent se poser, qui l’espèrent encore, afin que les affaires repartent sans trop tarder. Mais ce qui est en train de se passer ne répond pas exactement à leur attente. Car nous constatons que les deux grosses bulles financières résultant des mesures de sauvetage et de relance que les gouvernements ont adopté – la bulle privée et la publique – ne sont pas près d’être résorbées et commencent à produire, chacune, de sérieux dégâts. Dans un contexte où la sortie de la récession est incertaine et la rechute possible.

La bulle privée se prépare à perturber l’économie des seuls pays qui continuent de connaître une franche croissance économique. En Asie principalement, mais également au Brésil, où les capitaux sont massivement présents, à la recherche des meilleures affaires, pour investir ou pour faire des raids dans le cadre du carry trade.

La bulle publique se révèle si dure à digérer que l’on en vient à se demander si cela va être possible de la contenir et de la résorber. Comme si les Etats avaient présumé de leurs forces en combattant les effets économiques de la déroute financière et en finançant les banques, et qu’ils étaient allés trop loin. La dette cumulée des pays du G7 atteint désormais environ 30 mille milliards de dollars, dont 22 mille milliards pour les seuls Etats-Unis et le Japon. La Grèce y contribue pour un ridicule 300 milliards ! Ces chiffres mettent en perspective la crise actuelle.

Le monde financier, quant à lui, a repris confiance et initiative. Il mène trois batailles simultanées en vue de se préparer des jours meilleurs :

1/ Davos a été l’occasion du coup d’envoi de son offensive, en vue de canaliser et réduire tous les projets visant à le taxer et à restreindre ses activités. C’est sur le Sénat américain qu’il compte pour bloquer sans attendre la réforme lancée par Barack Obama sous le nom de « Volcker’s rule » ; cela est pour l’instant bien parti. Auditionné hier par le Sénat, Paul Volcker, âgé de 82 ans, a déclaré en parlant de la prochaine crise : « je ne vivrai peut-être pas assez longtemps pour voir la crise, mais mon âme reviendra vous hanter ».

2/ C’est à l’usure, parallèlement, que ce monde enfermé sur lui-même pense pouvoir émousser le projet du Comité de Bâle de renforcement des fonds propres des établissements financiers ; cela s’annonce assez bien, car il y a plein de chausses trappes possibles. Le diable est du côté des banques, faut-il s’en étonner ?

3/ Enfin, il entend obtenir une place privilégiée sur le marché obligataire, afin de se financer. Déterminé à passer devant des Etats coupables de lourdement peser sur le marché avec leurs déficits persistants. Tous les Etats étant également fautifs, mais certains l’étant plus que d’autres à leurs yeux : ceux qui sont les plus fragiles, à qui il peut être plus facilement intimé l’ordre de rentrer dans le rang, surtout s’ils sont laissés seuls dans l’épreuve. L’Europe est pour le monde financier un terrain de jeu de choix, ses maillons les plus faibles propices à l’usage ostensible de son savoir faire. Car derrière l’anonymat des marchés, leur réactions psychologiques si imprévisibles, il y a des acteurs et des calculs. Dont la BCE, dont les moyens sont à ce niveau considérables.

Les pays européens qui sont visés dans l’immédiat ont mesuré que l’effort exigé de leur part ne pourra être réalisé sans secousses sociales à l’ampleur et aux conséquences tout autant imprévisibles, que s’il est en partie soulagé par une aide financière. Or, elle fait défaut pour le moment. On verra comment les plus grands pays réagiront plus tard, s’ils persistent aujourd’hui dans leur facile intransigeance.

Au-delà des cas et de cette phase de la crise, l’impasse actuelle renvoie à une problématique plus générale, encore en pointillés. A propos de laquelle le FMI a lancé un ballon d’essai qui n’a pas attiré l’attention, en évoquant une éventuelle allocation supplémentaire de droits de tirage spéciaux (DTS) pour financer la lutte contre le changement climatique. Il n’est pas interdit de spéculer, à notre tour, et d’envisager que le FMI puisse également, toujours grâce à la création de DTS, prendre demain le relais des banques centrales, qui ne pourront toujours pas – ou ne pourront plus – contribuer par voie de création monétaire au financement des Etats, en achetant leurs obligations.

Bien que cette approche soit passablement dérangeante pour les tenants du titre, car elle reviendrait à engager une réforme d’ensemble du système monétaire international, au détriment du dollar, elle devra d’une manière ou d’une autre être tôt ou tard sérieusement prise en considération. Car il n’est pas garanti que le marché obligataire va pouvoir absorber, sans le faire chèrement payer et alourdir les additions, toutes les demandes des Etats, des établissements financiers et des grandes entreprises, qui vont se bousculer. Ni qu’il soit possible d’imposer, pour une période qui s’annonce longue, une rigueur drastique ainsi qu’une atteinte au bouclier social, alors que la consommation est déjà en berne, et que l’évolution du pouvoir d’achat n’a pas devant lui de glorieuses perspectives, sauf pour les plus aisés. Il faudra bien, si ces solutions se révèlent faire sérieusement problème, trouver une échappatoire. Afin d’aider à digérer l’énorme bulle publique, qui sans cela ne passera pas. Car il ne va pas falloir compter sur la croissance, derrière laquelle on se réfugie encore.

Et la bulle privée, a-t-elle de son côté des effets ? Une déclaration effectuée il y a deux semaines par Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, est aussi passée assez inaperçue dans la presse européenne, décidément ! Sans doute parce qu’elle concerne cette fois-ci l’Asie (dont on parle peu), bien qu’elle explicite clairement la situation qui s’y est développée, ainsi que ses dangers potentiels. Celui-ci a tout bonnement appelé les gouvernements asiatiques à étudier la mise en place de mesures temporaires de contrôle des capitaux, afin de limiter les risques de bulles d’actifs. Un propos pour le moins inhabituel, dont on doit se demander ce qui a pu le justifier.

C’est que, si l’on a non sans raison fait grand cas du danger représenté par la bulle financière chinoise – créée par un colossal plan de relance sous forme de crédits bancaires à tout va – on a moins parlé de l’afflux d’une énorme quantité de capitaux occidentaux en Asie, attirés par la croissance économique de la région. Toutes les mégabanques ayant décidé d’y réorienter leurs activités, munies de la panoplie au grand complet de leur offre financière. Au premier rang de laquelle le carry trade, une activité pénalisante pour les pays qui lui servent de terre d’accueil, qui voient le cours de leur monnaie grimper, faisant en retour obstacle à leurs exportations. Tout ceci contribuant au développement local de bulles financières, notamment immobilières et boursières, potentiellement déstabilisatrices pour l’économie. Alors que les banques asiatiques et brésiliennes étaient largement prémunies des effets de la crise des subprimes, n’ayant pas comme leurs consoeurs européennes succombé aux charmes douteux des produits financiers américains haut de gamme.

Le monde financier a maintenant les yeux tournés vers l’Asie, ses poches grandes ouvertes, fasciné par le potentiel d’affaires qu’il représente. Et il ne viens pas tout seul, mais apporte avec lui ses petites turpitudes, comme il se doit. Une part de plus en plus importante du commerce mondial est désormais régional (Sud-Sud comme on disait auparavant, pour distinguer ces échanges du commerce Nord-Sud, entre pays développés et ceux qui ne l’étaient pas). L’Inde, le Japon et la Chine en sont en Asie les trois principaux piliers (50% du commerce japonais est avec la Chine). Les mégabanques volent donc au secours de la victoire, se battant pour détenir d’importantes parts de ce marché du siècle, alors que l’Europe et les Etats-Unis ne sont plus en mesure de leur fournir les opportunités qu’elles ont su y créer, y saisir …. et y épuiser. Les emplois de demain sont à l’Est, les marchés aussi. Cela fait plaisir de voir des gens qui ont des convictions.

Devant la détérioration du bilan de leurs banques et l’accroissement de la bulle immobilière et boursière que leur politique de brutale ouverture des vannes du crédit a suscité, les autorités chinoises viennent de réagir afin de restreindre sa distribution. Notamment en obligeant les banques à accroître leurs réserves. L’agence de notation Fitch ayant, à titre de coup de semonce, dégradé la note de deux banques chinoises moyennes : China Citic Bank et China Merchants Bank. Mais le malheur veut que c’est toute l’Asie qui est touchée par l’afflux des capitaux occidentaux. Ceux-ci contribuent à la création de bulles financières locales – dans la région même dont l’économie occidentale attend tant de la croissance pour impulser la sienne – et par voie de conséquence à la maturation d’une nouvelle phase de la crise.

La digestion de cette bulle financière privée risque, comme celle de la dette publique, de ne pas être aisée et d’avoir de fortes conséquences globales. On ne dira jamais assez combien la finance moderne apporte une contribution essentielle à l’économie.

30 réponses sur “L'actualité de la crise: digestion très laborieuse pour les deux bulles financières, Par François Leclerc”

  1. J’aime votre humour ravageur lorsque parlant des financiers vous écrivez quelque part dans le texte : c’est à l’usure que…

    En effet, c’est à l’usure, et l’usure est un délit.

    Allez « zou » tous au trou (des finances publiques) bien évidemment.

  2. Les systèmes cybernétiques deviennent dangereux lorsque l’intelligence humaine devient incapable d’envisager conjointement toutes les actions et interactions relatives au système. C’est le cas du système financier aujourd’hui.

    Ceux qui mettent en place les actions de correction, les gouvernements et organismes bancaires centraux, faute de pouvoir penser l’ensemble du système, opèrent toujours sur le mode de l’action-réaction. Faute de pouvoir même envisager une anticipation sérieuse eu probable, les conducteurs du système ressemblent à ceux d’une automobile qui commence à chasser et qui corrigent en contrebraquant excessivement, ce qui a pour effet d’augmenter le mouvement au lieu de l’amortir.

    Il ne reste à la disposition des acteurs gouvernementaux (dont apparemment le ministre Worth) que la foi dans une croissance future, croyance dont pas plus tard que ce matin sur BFM, François Langlet, éditorialiste à la Tribune, se gaussait!

    Faute de pouvoir agir sur ce réel qu’ils ont eux-même trafiqués, ces nouveaux prêtres s’en remettent à la religion et à la prière. Malheureusement, ils ne savent pas que tel le Dr Faust, ils ont vendu leur âme au diable

    1. Tout à fait d’accord avec vous -sauf sur le fait que si eux ils ont vendu leur âme au diable en échange du pouvoir ou de l’argent, Faust l’avait fait pour de la connaissance…

    1. C’est vrais! 😉

      Mais ce que j’ai essayé de demander avec la question, c’est ou la bulle commence et c’est quoi qu’on essaie de sauver ou restaurer? Une bulle un peut plus modeste?

      Je produit une pomme avec le frais X, j’amène au marché et j’ai la chance je fait quinze pourcent (%) de plus.

      Récompense justifié, levier comptable, aliénation, illusion bureaucratique etc. etc.

      Ou c’est encore réelle ou ça devient une bulle?

  3. Mr Leclerc : A quand vous aussi, un passage à la télévision ? Je n’ose imaginer Paul Jorion et vous même contre des membres de la BCE et du gouvernement français ….

    1. Pourquoi? Pour etre noye dans la masse d’une emission de plateau ou il pourras s’exprimer 10mn par bouts de 10s?

      Il vaut mieux que francois continue a distiller ses avis ici ou ailleurs qu’a la television.

  4. N’est on pas arrivé au moment où il est démontré qu’il faudrait en finir définitivement avec le pouvoir de la finance et arrêter de finasser ?

  5. @ F. Leclerc : Vous ecrivez :  » La dette cumulée des pays du G7 atteint désormais environ 30 mille milliards de dollars, dont 22 mille milliards pour les seuls Etats-Unis et le Japon. …….Ces chiffres mettent en perspective la crise actuelle.  »

    Ce qui mettrait en perspective vos chiffres, c’est la comparaison avec le montant total de l’Epargne mondial.

    Connaissez – vous ces chiffres ?

    1. je présume que vous souhaitez comparer le chiffre que vous me demandez (celui de la richesse patrimoniale), avec celui de la dette.

      Mais comment calculer la richesse du monde ? Cette question est en elle-même une réponse à la vôtre: ce n’est pas la dette qui est le problème, ce sont les intérêts auxquels elle est assujettie !

  6. Face à l’hydre

    Face à l’etau des deux bulles, je me permets de traduire ici une information, qui permet de ‘comparer’ le montant des
    dettes du G7 et les ‘flux de la liquidité’: « Il y a maintenant environ 140 trillions de $ (ndr 10 fois la dette américaine )
    sur les marchés financiers mondiaux en recherche d ‘investissements’. Cet argent circule très librement. Mais meme si une relativement petite proportion de ces capitaux ( ndr, pour reprendre une expression de Zygmunt Bauman, un ‘essaim’) se fixe sur quelque chose-par exemple le marché hypothécaire- ils peuvent rapidement provoquer une bulle et une crise ( à rapprocher de l’achat par la FED de 1,25 trillions de $ de MBS-sécurítés hypotécaires en fin de course’mais qui pourrait continuer…comme vient de le rappeler W.Dudley de la FED NY ).
    Donc tout le travail effectué dans les dernières années pour rendre nos marchés de capitaux plus efficientis et plus ouverts les a rendus plus ouverts et nous n’avons encore rien fait pour affronter le problème. Le résultat net a été positif pour les acteurs des marchés de capitaux, qui peuvent etre accédés à un cout plus faible que jamais auparavant. Mais le succès de ce marché a résulté en une vaste accumulation de capital spéculatif maintenant capable de détruire des économies entières. En 2000 et en 2007, les bulles financières ont provoqué de gros dommages,et le monstre est encore en activité. »
    De l excellent blog de Felix Salmon
    how-financial-innovation-causes-bubbles

  7. Excellent article.

    Et qui me permet de vous soumettre une idée qui me semble à peu prés fondée et ne fait que se confirmer :

    N’est-ce pas ce changement très brutal de pôle magnétique qui va entrainer des désordres mondiaux…??
    (vous aurez compris que je ne compte depuis longtemps plus sur une régulation ou un accord mondial quelconque)

  8. Pour ma part, j’ai une petite idée sur ce qui est en train de se tramer en Chine. jusqu’à maintenant, les chinois n’ont accepté le système que tant qu’il leur a servi et je ne serais pas étonné que cette bulle attirant tous les criquets pélerins de la finance ne soit qu’un traquenard pour optimiser leurs réserves en dollars tant qu’elles valent encore quelque chose.

    Je vous copie/colle mon petit scénario (avec quelques modifications de circonstance) (http://www.bulle-immobiliere.org/forum/viewtopic.php?p=943056#p943056) :

    « Quand j’y pense, tout de même, 30% de croissance du M3, une bulle immobilière exponentielle, je n’arrive pas à croire que le comité central et la banque centrale qui contrôlent le système bancaire ne savent pas ce qu’ils font, surtout en ce moment, 2 ans seulement après la crevaison de la bulle de crédit US.

    Je me demande de plus en plus si tout ceci n’est pas pensé, voulu, afin d’utiliser au mieux les énormes réserves qu’ils ont accumulé pour cette fois, développer très rapidement leur pays et les infrastructures, non plus seulement pour exporter vers les pays riches, mais pour être une puissance en soi.

    D’ailleurs, la bulle montant, les officiels ont déclaré qu’il fallait construire encore plus, plus vite, pour empêcher la bulle de grimper 😀

    A mon avis, la Chine a changé de stratégie. Elle sait que l’occident va être dans le marasme pour une a deux décennies au moins, et qu’elle ne peut plus compter sur des exportations à bas prix vers l’occident pour croître, que les financiers qui le dirigent sont malades de leur court termisme, de leur cupidité et de leur manque de projet, et qu’il sera très facile de les arnaquer en leur promettant des gains à court terme.

    Du coup, on pourrait imaginer un scénario de ce type :
    – Le PCC dit aux banques de littéralement ouvrir en ultra grand les vannes du crédit,
    – il se forme des bulles de partout mais elles permettent de créer toute l’infrastructure du pays,
    – on attire dans la bulle un maximum de capitaux étrangers, leviérisés à mort à coup de carry trade sur des $ à 0%.

    Finalement, la bulle crève (comme toute bulle ) :
    – les emprunteurs font défaut (tant les investisseurs étrangers que les riches locaux) et les infrastructures privées sont rachetées à prix cassé par l’État avec les dollars de leurs réserves, mais il n’y a pas de bailout et ils laissent les investisseurs faire faillite.
    – les investisseurs étrangers font naturellement aussi faillite, leurs infrastructures achetées à crédit sont rachetées à pas cher et la Chine a en partie fait financer ses infrastructures par les investisseurs des autres pays. Naturellement les banques occidentales ruinées essaieront de se retourner vers les serfs de leurs pays respectifs pour demander à ce qu’ils les recavent une nième fois.
    – la Chine utilise ses réserves pour sauver sa monnaie et ses propres banques et compenser les pertes sur les crédits accordés.

    Et wala, le tour est joué :
    – La Chine a optimisé l’utilisation de ses réserves en obtenant bien plus d’un $ de richesse pour chaque $ de réserve dépensé,
    – Elle retourne le jeu de l’occident contre lui et a dépouillé un maximum d’investisseurs étrangers (et ils se vengent ainsi de la crise asiatique de 90),
    – Elle a construit ses propres infrastructures, et en est intégralement propriétaire au final,
    – Le comité central du PCC a ruiné l’oligarchie capitaliste montante (les shangaïens) et repris le contrôle du pays…

    Ils apprennent vite les coquins 😉 Ils nous feraient pas l’arnaque des « emprunts russe américains » en encore plus vite, encore plus fort ? »

  9. qui paye sa dette s’enrichit des intérêts qu’il n’a plus à verser ; mais si l’intérêt est une prime de risque ruineuse, le capital doit bien être remboursé, au prix de nouvelles dettes à contracter. Fitoussi disait que plus les taux étaient bas et plus ils signifiaient une grande confiance dans l’économie, pour le futur. L’exemple japonais ne lui donne pas raison. Il faut créer de la richesse pour trouver des créanciers et puis les rembourser.

    1. La dette comme facteur de progrès humain …
      D’ailleurs, la dette permet d’entretenir le lien, à l’inverse de l’échange.
      On retrouve là Mauss (« Essai sur le don »), Bataille, Godelier.
      Les sociétés ‘archaïques’ utilisent le don, la dette et la contre-dette (en asynchronie obligatoire sinon c’est l’échange, qui annule le processus).
      Le cas du potlach est d’ailleurs intéressant : un don phénoménal (accumulation de biens et de symboles), que l’on consume rapidement collectivement (donneur et receveur) puis contre-don (potlach ‘de retour’), etc., tout cela basé uniquement sur l’estimation personnelle que le donneur a de son don (valeur non ‘monétaire’)
      On ‘épuise’ le sens même du don et de ce qui est donné, pour ne se concentrer que sur le lien créé. C’est ce qui a ‘épuisé’, physiquement, l’économie de ces sociétés indiennes du potlach, qui vivait dans un contexte de biens abondants (poissons, coquillages, etc.) et qui, face à la pénurie, s’est effondrée. Réellement.
      Godbout et Caillé disent qu’il y a 2 types de dettes : les dettes positives et les dettes négatives. Dans le premier cas, les membres considèrent recevoir individuellement plus que ce qu’ils donnent : le lien s’entretient sans ‘peines’. C’est le cas par exemple des cellules familiales, où le ‘calcul’ des dettes n’existe pas, ne peut pas être fait ou ne souhaite pas être fait (pour justement entretenir le lien).
      Dans le second, c’est la spirale infernale individualiste et monétariste.

      Il me semble que nous sommes encore des sociétés ‘archaïques’ (heureusement !) puisqu’il reste du lien. Malheureusement, nous sommes dans un système de potlach ‘négatif’ (cumul phénoménal et sentiment de recevoir moins que d’avoir donné).
      Il serait nécessaire d’inventer une gigantesque cérémonie de potlach mondial, où les dettes seraient consumées par toutes les parties (donneurs/receveurs/donneurs), qui permettrait de recommencer à accumuler … les dettes, afin de recréer plus de liens.
      Une annulation instantanée de toutes les dettes en somme mais sans les faire disparaître ‘symboliquement’.
      Je pense que les DTS pourraient jouer ce rôle là, avec la mise en place d’une monnaie-dette virtuelle que l’on ‘consumerait’ mondialement mais où subsisterait uniquement l’importance relative des dettes entre elles et entre les donneurs et les receveurs.

      ‘tain, j’ai fumé le calumet, moi ! 🙂

  10. >DiscoTonio

    Sauf que les infrastructures ainsi fabriquées ne sont pas calibrées pour le marché chinois: à quoi sert-il aux chinois d’avoir des copies des villages italiens de Toscanes, comme j’ai pu le voir de mes propres yeux quand on ne peut pas pas s’occuper des vieillards de la famille quand leur santé se dégradent?

    La spéculation, c’est surtout produire du vide, du clinquant, du tape-à-l’oeil, de préférence le plus spectaculaire mais aussi le moins cher possible à construire, afin d’avoir la marge la plus grande possible.

    Et puis, en Chine, le sol est encore nationalisé: vous ne pouvez pas construire sur plus de 50 ans, parce que tout simplement, au delà de cette période, rien de ce que vous construisez ne vous appartient. Du coup, on construit des immeubles jetables, ce qui permet de gaspiller le maximum de ressources et qui empêche de créer des synergies locales, comme il peut en naître dans des quartiers ayant une histoire…

  11. @ F. Leclerc :

    Quelques infos sur la Volcker’s rule (je pense que vous les avez mais on ne sait jamais …)
    http://www.agefi.fr/articles/La-regle-Volcker-laisse-sceptiques-senateurs-republicains-1124243.html (appui du président de la commission bancaire au sénat Christopher Dodd, qui ne se représentera pas en novembre prochain)
    A noter : les remarques des sénateurs républicains ne sont pas ‘inefficaces’ quant à l’efficacité du plan sur les raisons premières de la crise (CDS pour AIG, trading pour compte propre). Le seul problème pour eux, c’est qu’ils sont très mal placés pour le dire !

    Et surtout des ‘précisions utiles’ sur l’application du plan :
    http://www.news-banques.com/le-plan-obama-touchera-les-banques-americaines-hors-des-usa/012114692/
    « Si elle est adoptée, cette interdiction « s’appliquera d’une manière générale aux activités étrangères des sociétés bancaires basées » aux Etats-Unis, a déclaré Neal Wolin, secrétaire au Trésor adjoint, devant la Commission bancaire du Sénat américain. »
    Gloups …
    J’en connais (SG, Crédit Agricole, BNP, USB, Crédit Suisse, RBS, Barclays, …) qui vont l’avoir mauvaise.

    D’autant que :
    « Elle touchera toute institution de dépôt assurée par la Compagnie fédérale des dépôts bancaires américaine (FDIC), mais aussi toute « société contrôlant une institution de dépôt assurée par la FDIC », a déclaré M. Wolin. »

    ça va encore plus loin que je ne l’imaginais : toute société contrôlant une institution de dépôt. Le coup de la filiale, on leur fera pas à Volcker.
    Et clairement : soit garantie de la FDIC et pas de trading compte propre (filiale ou pas), soit pas de garantie en cas de crise. A vos risques et périls.

  12. Merci.

    Je me suis contenté dans mon papier de dire que le blocage de la réforme était bien parti, mais je faisais ainsi référence aux derniers commentaires de Christopher Dodd, le président de la commission des banques du Sénat.

    Il a déclaré, en substance, qu’il valait mieux une réforme imparfaite que pas de réforme du tout ! Ce qui revenait à soutenir cette réforme comme la corde soutient le pendu.

    1. Ah …
      Vous ne semblez donc donner guère de ‘crédit’ à ceux qui disent que le fait que Dodd ne se représente pas permettra justement de mieux défendre la proposition de loi … (rapport aux lobbies).

    2. La presse américaine a souligné le contraire: il n’a plus à craindre la sanction des électeurs et peut défendre les intérêts des mégabanques plus ouvertement.

  13. Dodd faisait savoir vendredi que,selon lui, la réforme était dans une impasse:

    2010/02/05/dodd-says-financial-overhaul-legislation-is-at-an-impasse

    J. Stiglitz estime que le montant des ‘bail-outs’ et garanties gouvernementales ( backstops ) équivaut à 12 trillions de $, plus le guichet de la Fed…

    A Zébu et à ceux qui s’y intéressent, je recommande la lecture de la déposition de Simon Johnson jeudi lors de la deuxième séance devant la Commisson, qui explique simplement pourquoi il faut aller plus loin:

    testimony-submitted-to-the-senate-banking-committee-feb-3-2010-sj-final2.pdf

    et les analyses complémentaires de Yves Smith sur les ‘trous’ de la Volcker Rule:

    how-the-volcker-rule-misses-the-shadow-banking-system.html

    volcker-does-not-get-it.html

    1. merci charles. je suis bien conscient des ‘trous’ de la volcker rule. je pensais que ce pouvais être un ‘bon’ début, qui pouvait enclencher d’autres suites. Apparemment, je suis trop naïf.

  14. « Six nouvelles banques américaines viennent de faire faillite. Le bilan de la nouvelle année se monte déjà à 15. En rappelant qu’en 2009 ce sont 140 établissements qui ont déjà fait faillite, 25 en 2008. Il devient évident que 2010 devrait connaître un nouveau record, déjà annoncé par la FDIC — fonds de garantie des dépôts bancaires. Avec un chômage réel de près de 20% d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, difficile d’avoir l’optimisme béat de nos dirigeants ».

    Frédéric Laurent
    http://www.la-chronique-agora.com/articles/20100206-2481.html

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